Chronique

Aufgang

Rami Khalifé, Francesco Tristano, Aymeric Westrich

Label / Distribution : Discograph

Aufgang tente le pari osé de faire de la Muzak qui n’en est pas. Explication : à la première écoute, au premier visionnage d’une de leurs vidéos [1], ou simplement au vu du line-up - deux pianos/claviers électroniques et une batterie - on pourrait craindre sinon le pire, à tout le moins du déjà entendu de la part de ce trio formé par Rami Khalifé, Francesco Tristano et Aymeric Westrich, sous la direction productive, mixeuse et enregistreuse de François Baurin (très beau travail de studio). Quelque chose dans la lignée de Kraftwerk ou Robert Miles…

Or, surprise, surprise, si les tournes électroniques, les clusters et les phrases répétitives reprennent scrupuleusement la syntaxe (et parfois les tics) d’un genre hérité de Terry Riley, La Monte Young puis Steve Reich et Philip Glass, la coule balade en Autobahn (ou la promenade avec Einstein on the Beach, chacun choisira sa référence) se transforme traîtreusement en Crash industriel (ou en Bikini Beach après la bombe) après quelques minutes d’un tranquille ruissellement d’arpèges répétées… L’auditeur surpris se voit ainsi éjecté hors de son siège moelleux et se retrouve baladé (un peu plus violemment cette fois), heurté et déboussolé par des fragments d’impro furieusement free, mâtinés d’electronica inventive. On se croit en terrain balisé, prêt à quelque douce somnolence, et l’on se fait gentiment mais vertement rappeler à l’ordre… avant que la ligne mélodique ne revienne, apaisée, pour mieux repartir créer de nouvelles structures et explorer des empilements harmoniques inédits. Le résultat est que, contrairement à d’autres productions analogues, on ne se lasse jamais. Malin. On en redemanderait même.

par Jean Bonnefoy // Publié le 19 février 2010

[1Le teaser vidéo promotionnel de l’album laisserait presque croire à un nouvel opus d’aAron – ce qui, soit dit en passant, est un compliment, mais enfin, on l’aura compris, le trio tient à se démarquer nettement de la pop-electronica-French-touch comme on la pratique du côté de Versailles…