Chronique

Benjamin Sanz quintet

Mutation majeure

Benjamin Sanz (dms), Rasul Siddik (tp), Boris Blanchet (ts), Matthieu Jérôme (p), Idriss Mlanao (b)

Label / Distribution : Archie Ball

C’est une véritable injustice que je vais tenter de réparer ici : celle de n’avoir pas encore dit tout le bien que je pense de ce Mutation majeure du Benjamin Sanz quintet. Pas d’excuses, ou alors celle qui veut que le mieux soit l’ennemi du bien. J’ai écouté ce disque de nombreuses fois et toujours avec le même désir de le servir comme il se doit – au mieux. Bref.

Comme son prénom l’indique en l’occurrence, Benjamin Sanz pourrait bien être le plus jeune de la bande. Batteur et compositeur, orchestrateur sans doute, il n’a donc pas manqué d’air. Pour une « mutation majeure » (la sienne ?), cela s’imposait, de la même manière qu’il fallait être sacrément entouré – tout un art, là aussi, que celui de rassembler pour jouer ensemble.

Soit cinq musiciens lâchés en liberté pour une destination commune, selon un itinéraire qui traverse les champs du hard-bop et les pulsations d’Afrique pour sonner en jazz d’aujourd’hui, multiple, en quête d’inouï – en principe – et en tout cas très polyrythmique – manquerait plus que ça ! Pour y parvenir et approcher le bord du précipice, pas question de s’agiter en vaines démonstrations. Chaque instrument trouve ici sa juste place et se fait entendre en toute générosité respectueuse : personne pour tirer la couverture à soi, pas même le batteur-leader. Ce quintette est peut-être son affaire, mais il sait rester à la juste place, derrière les « pupitres », comme les autres. Ce n’est donc pas un ouvrage de batteur, juste celui d’un musicien entier.

On en dira autant de chaque autre : Idriss Manao et sa contrebasse protectrice et nourrissante ; Matthieu Jérôme et son clavier « taylorien » tendance Cecil ; puis la paire de soufflants : Boris Blanchet au ténor et Rasul Siddik à la trompette – c’est lui qui a pris la suite de feu Lester Bowie dans les si rares apparitions de l’Art Ensemble of Chicago. Deux fins dialoguistes qui savent aussi se rejoindre en fusion, tout comme se resserre le poing sur ses cinq doigts. J’ai entendu cette étreinte, en particulier sur « XB-12 » où le quintette lâche les rênes, et sur « Maria (Callas) » où il les reprend tout en délicatesse.