
Benjamin Sanz Directions
Black Seeds
Benjamin Sanz (d, perc), Hermon Mehari (tp), Ricardo Izquierdo (ts), Rob Clearfield (p, Rhodes), Luca Fattorini (b).
Label / Distribution : Mirr
Si l’on a pu retrouver Benjamin Sanz dans le rôle d’un explorateur au sein de trios aux accents libertaires [i], on sait qu’en tant que leader, le batteur prend le temps d’élaborer son langage. Ce furent Mutation Majeure en 2011 et The Escape en 2020 avec sa formation internationale Directions, puisant son énergie à la source des musiques noires, vers lesquelles il lui faut toujours revenir. Son jazz est un hommage à tous celles et ceux auprès desquels il a joué. Telles sont les Black Seeds dont il est question aujourd’hui, en provenance de Cuba, du Mali, des Comores, de New York ou de la Nouvelle-Orléans, sans oublier le blues de Kansas City.
Musicien virtuose mais jamais démonstratif, Sanz a su réunir une force de frappe impressionnante de cohésion et de conviction. On retrouve l’équipe déjà à l’œuvre sur The Escape, avec le natif de Chicago Rob Clearfield au piano, le Romain Luca Fattorini à la contrebasse, le Cubain Ricardo Izquierdo au saxophone ténor et Hermon Mehari, de Kansas City, à la trompette. Ce qui était vrai pour l’album précédent l’est tout autant pour ce nouveau chapitre, même si le disque se révèle plus personnel en creusant une fois encore un sillon d’essence africaine. Le batteur offre des mélodies entêtantes et une pulsion guidant l’ensemble autant qu’elle en nourrit les couleurs, se plaçant sur un pied d’égalité avec ses musiciens. Coulant de source, fiévreuse et sereine à la fois, la musique de Black Seeds exprime la vie au présent, « parce que la vie se passe maintenant ».
Tout commence dans la joie par « Morning Song » et son swing façon New Orleans : on y perçoit l’influence du batteur Ed Blackwell et un clin d’œil à l’album homonyme de David Murray. Un rythme de fête récolté au Mali guide les pas de « Bamako Stomp ». « Coltar », signé par Ricardo Izquierdo, fait valoir une écriture plus contemporaine. Retour à l’Afrique tout au long de « Chindini », composition apaisée co-écrite avec le regretté contrebassiste Idriss Mlanao. Les ballades racontent les joies et les peines, que celles-ci soient inspirées par une enfant, « Colline (Dans le jardin) » ou par le souvenir de celles et ceux qui sont partis et restent présents en nous, « The Psychopomp ». Le thème de l’eau va et vient, porté par deux improvisations collectives tout en fluidité : « The River » et « Turbulent Streams ». Enfin, « Sea » vient conclure le disque sur un tempo élevé, porteur d’une joie collective.
Black Seeds est un disque de l’évidence. Tout y sonne juste, chacun des musiciens occupant une place trouvée naturellement pour contribuer à un équilibre qui s’apparente à un état de grâce. Il est grand temps de découvrir ce musicien de l’âme et du corps qu’est Benjamin Sanz.