Entretien

Laurent de Wilde

Par un après-midi d’octobre 2011 à Marseille, sur une terrasse ensoleillée, juste devant l’Espace Julien où a lieu le concert de la soirée, Laurent De Wilde prend le temps de broder… entre autres sur le jazz. Présent, passé, et avenir.

Piano, ordinateur et vidéo. Ainsi se composait – c’est le mot – le concert-performance donné en tournée par Laurent De Wilde fin 2011 et livré en disque sous le titre « Fly ! ». De sa prestation marseillaise avec ses deux comparses, on a dit ici le plus grand bien.

• J’ignore ce que donnera le concert de ce soir, mais le disque du même nom, Fly ! exprime on ne peut plus nettement son orientation électronique. Et cela alors que vous y jouez sur un vrai piano… tout en recherchant de manière audible des sons inouïs. C’est une nouvelle phase dans vos allers-retours entre acoustique et électronique ?

• Il s’agit de moins en moins d’allers-retours et de plus en plus d’une cohabitation pacifique. En 1999-2000, j’ai ressenti une saturation à l’égard du jazz acoustique ; je n’ai plus touché mon piano pendant un bon moment ; j’étais passé à l’ordi, au Rhodes. Le piano est progressivement revenu dans ma vie parce que… parce que l’un n’empêche pas l’autre ! A l’époque j’avais vraiment besoin de mettre mon énergie, mon attention, mes désirs dans ces nouveaux moyens. Maintenant que j’ai atteint une espèce de vitesse de croisière, il m’est beaucoup plus facile de jouer sur les deux registres. D’ailleurs, je m’apprête à enregistrer sous peu en trio acoustique avec des copains américains – Ira Coleman (cb, b) et Clarence Penn (dm). Je dirais qu’aujourd’hui, mon activité est aux trois-quarts acoustique, et finalement je trouve ça très agréable…

Photo RipoDesign/DR

L’électronique prend des formes très diverses. Le projet d’aujourd’hui est en germe depuis quatre-cinq ans ; Fly ! est notre deuxième disque, après PC Pieces, et on est toujours en train d’apprendre ; apprendre sur notre musique, sur la façon de la communiquer à notre public, de la dramatiser. Je dirais qu’on est maintenant dans une optique de « fine tuning », d’ajustement fin, pour essayer de mettre au point le vecteur qui nous convient le mieux – ça prend du temps !

Fly ! baigne donc là-dedans. Pourquoi ces mouches ?

• On enregistrait dans le studio champêtre de La Fabrique à Saint-Rémy-de-Provence, qui s’est trouvé soudainement envahi de mouches. Elles provenaient d’un troupeau de vaches en transhumance – je ne savais pas que les troupeaux transportaient aussi leurs colonies de mouches ! Au début, on a essayé de lutter, en vain. Alors on a fait avec…

• Vous les avez apprivoisées, et même enrôlées…

• Voilà ! On leur a même rendu hommage avec le titre « Eau de Mouche n°5 », comme si leurs incessantes vibrations avaient fini par nous influencer…

• D’où ce Fly !, comme un pont entre l’acoustique et l’électronique, sinon une passerelle vers la musique contemporaine ?

• On est en train d’approfondir une instrumentation nouvelle, c’est-à-dire un rapport entre deux instruments, le piano et l’ordinateur. C’est comme si on venait d’inventer la batterie, ou le saxophone : il faut apprendre à en jouer, et à en jouer l’un avec l’autre. Pour moi, un projet est réussi quand ses différents éléments se fondent en un seul. Sinon, c’est un « all stars », ou bien un « Machin rencontre Machin »… et ça reste une discussion de palier. Pour moi, le piano et l’ordi forment un duo ; il doit produire une musique. Au début on entend le piano et, progressivement, on comprend que l’ordi est en dessous et qu’il détourne, déchire, jusqu’au point où on se demande ce qui se passe…

• Que dites-vous du rapport technique-musique ?

• Pour moi la technique est un véhicule. Il faut donc y mettre de l’essence, aller chez le garagiste… La technique, c’est du boulot. Et certainement pas une finalité. Mais c’est aussi stimulant de s’attaquer à un véhicule différent : sa résistance propre, les obstacles qu’on rencontre à le pratiquer, tout cela force à trouver des solutions nouvelles, à contourner les problèmes, à penser les choses différemment. Ce qui ne peut être que positif.

Pour moi la technique est un véhicule. Il faut donc y mettre de l’essence, aller chez le garagiste… La technique, c’est du boulot. Et certainement pas une finalité.

• La technique pourrait aussi prendre le pas sur la créativité et devenir envahissante…

• Bien sûr et, je le répète, il ne doit s’agir que d’un véhicule discret. Le public doit continuer à se foutre de la façon dont les choses se passent. Ce qui compte, c’est que la musique parle. Il est vrai que j’explique tout le processus créatif dans le livret de l’album, mais c’était à la demande du distributeur. J’étais plutôt hostile au départ, estimant que la musique doit se suffire à elle-même. Une musique qui doit s’expliquer par des mots, se justifier, a déjà perdu la moitié de sa substance.

• On devrait même arrêter cet entretien tout de suite !…

[Éclats de rires].

• Alors on va continuer à tricher un peu…

• C’est une saine curiosité – nuance !

• Un de vos albums s’intitule Time for change… Vous aviez alors une ambition, voire une prétention, si du moins on se rapporte à Ornette Coleman et à ses Something Else, Change of Century et autres annonciations ?

• A cause du titre ? Oh non ! C’était beaucoup plus clairement autobiographique, pour moi c’était le moment.

• Pas de vouloir changer l’histoire de la musique ?…

[Éclats de rire].

• Non, ce n’était pas du tout un manifeste ! Mais une urgence. Ça correspondait à une période personnelle et professionnelle où j’ai connu beaucoup de contrariétés, de la douleur, du conflit. Et, musicalement, ça a été une façon de tirer un trait sur tout ça, de repartir à zéro, de changer de public, d’instrument et d’approche de la musique. C’était l’heure.

• Pour évoquer vos influences, je me réfère à un de vos albums assez ancien, Old and Blue. Avec Jack DeJohnette et Ira Coleman, vous jouez de vos compositions mais aussi d’autres de Monk et de Wayne Shorter. Vous ne renierez pas non plus vos autres références comme Hancock, Jarrett…

• C’est vrai. Je suis un pianiste de ma génération, ceux que j’écoutais le plus c’étaient Jarrett, Corea, Hancock et McCoy Tyner. Après ça, il y avait les anciens : Monk, Ellington, Jamal…

Photo Fabrice Journo/DR

• Ahmad Jamal, vous le rangez parmi les anciens ?

• Il a dépassé quatre-vingts ans, quand même !…

• Je parlais de son jeu, toujours très moderne.

• Oui, toujours formidable. En, plus j’adore la façon dont il a évolué. Son art est devenu d’une « sécheresse » incroyable. C’est purement mental et ça « groove monstrueux » en même temps ; je trouve prodigieux d’être aussi « aiguisé » à son âge.

• On y retrouve aussi du Monk, non, dans la tension, dans les fins de phrases comme suspendues… ?

• J’ai pas mal disserté sur les silences de Monk et ceux de Jamal. Pour moi ce ne sont pas les mêmes. Le silence de Jamal est une espèce de chuchotement… On parle tellement bas… qu’on ne parle pas – mais qu’on entend quand même ! Chez Monk, il s’agit de « gros trous », de « noir », qui font vraiment partie de sa musique. Chez Jamal, c’est une sorte de conversation avec une très belle femme et dont on ne comprendrait pas tous les mots…

• Belle formule… D’un autre côté, à l’écoute, on se trouve comme devant la nécessité de combler ces trous.

• Je dirais même que cette conception de la section rythmique chez Monk vient après celle de Jamal. C’est à partir des années soixante que Monk laisse vraiment jouer sa section rythmique seule pendant dix minutes, et que tout d’un coup, on commence à percevoir une profondeur dans le groupe, et pas un front line où tout le monde joue en même temps. C’est un concept que Jamal labourait depuis longtemps, et que Miles a tout de suite entendu, repéré et très intelligemment détourné et personnalisé à son profit. Je ne pense pas que Monk se soit inspiré de Jamal, mais s’il fallait déposer des brevets sur l’invention de la « 3D » dans un orchestre de jazz, je donnerais la primeur à Jamal…

• Certes, et c’est tant mieux, on n’échappe pas aux influences, ni à la nécessité – aussi – de s’en débarrasser… Comment jouer après « les autres », et Monk en particulier ?

• Une vraie question ! Pendant longtemps, je ne pouvais plus le jouer parce que j’avais passé tellement de temps à écrire ce bouquin [1], à analyser son génie sous toutes ses formes, à le scruter au microscope… J’avais épinglé au mur au-dessus de mon bureau la couverture de Time Magazine où on le voit dessiné par Chaliapine, me lançant un regard qui semblait me dire : « T’écris un bouquin sur moi, t’as pas intérêt à dire de conneries ! » J’étais vraiment sous surveillance ! C’est quelqu’un qui est tellement… je ne dirais pas intraitable, mais d’une exigence absolue… Je pense qu’il n’y a pas de mauvais disque de Monk ; je ne le dis pas parce que je suis fan, mais parce qu’il est toujours le même.

• Certaines l’ont critiqué pour ça…

• « Monk, c’est toujours la même chose »… je peux entendre la critique. On aime ou n’aime pas, d’accord ! En tout cas, c’est pas comme de nombreux musiciens qui font des disques formidables et d’autres moins bons - voire franchement pas bons…

• On pourrait en dire autant d’un Picasso qui faisait toujours du Picasso, et de même pour Beethoven, Mozart, etc.

• Exactement. Et Monk a défini son style très très tôt. C’était quelqu’un de « pas comme les autres ».

• Dans « Le matin des Musiciens », sur France Musique, qui a été consacré à Monk, vous avez parlé de « désastre », de « catastrophe »…

• C’est curieux que vous ayez justement repéré ces mots-là car en discutant avec Arnaud Merlin avant l’émission, je lui ai dit : « Il y a un thème que je n’ai pas vraiment exploité dans mon bouquin et que j’aimerais aborder, c’est le désastre » ! En effet, progressivement, en vieillissant, je me suis rendu compte que c’est quelque chose qui est permanent chez Monk, dans sa musique comme dans sa vie. Il est toujours au bord de la catastrophe. Pas à la manière d’un Charlie Parker oubliant son sax, non - le vrai désastre ! Auquel on peut heureusement ajouter l’humour, et l’amour.

• Revenons d’un bond à notre époque. Que dites-vous de ce vague à l’âme qui, sous l’appel alarmiste à une « Révolution de jazzmin », a agité le landerneau du jazz ces derniers mois ?

• Il y a vingt-cinq ans que j’ai sorti mon premier disque, et à ma première interview, le journaliste m’a demandé : « Est-ce que le jazz est mort ? » !… Je suis toujours vivant !

• Ce n’était pas ma question !

• J’ai tout de même entendu ça derrière…

• Je parlais plutôt de la santé du jazz – que je ne vois pas mort, bien loin de là ! Il peut bien aussi affronter quelques épidémies. Je pense à la distribution de la musique en général et du jazz en particulier. Je vois bien ce public aux cheveux blancs et ces musiciens souvent aussi jeunes que talentueux…

• Le jazz a été très longtemps un vecteur historique, sociologique, politique très important. Le free jazz en a été la dernière grande incarnation incandescente dans les années 70. Aujourd’hui, en termes de marché, celui du disque, on en est à peine à 3 %… Quand j’ai commencé, ça se situait à 5 ou 4 %. Mais le jazz continue de vivre : il génère beaucoup d’écoles et de musiciens. Si bien que maintenant, l’offre dépasse la demande et beaucoup de musiciens n’arrivent pas à trouver de débouchés. Je frémis à l’idée d’avoir à recommencer mon parcours aujourd’hui, car les temps sont devenus très durs. Mais cette « Révolution de jazzmin » est de celle qui apparaissent tous les dix ans dans le jazz français et surtout parisien, puisque c’est à Paris qu’ont lieu les AG et qu’il y a la plus forte concentration de musiciens. Mais je crois tout de même que c’est devenu extrêmement difficile. Une nuance toutefois concernant le disque de jazz, dont le marché est particulier. La richesse d’un label de jazz, c’est son fond de catalogue, qui mise sur le long terme et non pas sur les trois mois exigés par le marketing d’Universal, par exemple. Ce qui fait que le jazz, à cause de ça aussi, s’est marginalisé par rapport au business. C’est sa faiblesse – et aussi sa force.

• Vous voulez dire qu’en ce sens il aurait préservé une forme de pureté ? Mais au risque d’un certain élitisme, peut-être. Toujours est-il que les radios populaires ignorent désormais le jazz et les jeunes aussi, du même coup…

• Pourtant, je pense que tout le monde aime au moins un air de jazz, qui est un objet très vaste dans ses expressions et qui se laisse bien récupérer ; voyez les voitures « Saxo », « Jazz », le téléphone « Be-bop »…, la pub… Chaque musique a son public et il n’y a pas un public de jazz. Ou plutôt, un même public peut écouter des musiques différentes. C’est ce que découvre le festival de Marciac après 25 ou 30 ans d’existence. Ainsi ils ont invité une fois John Zorn – l’Antéchrist ! –, et ça s’est très bien passé ; donc, maintenant, ils l’invitent tous les ans… pour un public enchanté. Donc la bonne musique passe bien !

• Il y a eu aussi Ornette Coleman au violon, à Marciac…

• Là, ils sont peut-être allés plus loin que leur public. Mais Zorn, non, il n’y avait pas de raison que ça ne plaise pas. C’est une bonne musique, « ça parle ». Il faut lever ces barrières mentales, qui sont tout autant à l’intérieur du monde « jazz » qu’à l’extérieur.

• Et comment lever ces barrières ?

• Pour moi, c’est en passant à l’acte : en montrant qu’on peut passer du jazz acoustique à l’électronique sans pour autant changer de personnalité, qu’on peut garder l’esprit ouvert et avancer dans la création dans cet esprit-là.

• Et cet esprit, vous le partagez beaucoup avec d’autres musiciens ?

• A titre personnel, je suis arrivé à un âge où je me trouve plutôt satisfait de ma vie : je travaille avec qui je veux travailler, je choisis mes projets, j’arrive à en vivre. Je suis très content, sans avoir l’insatisfaction de certains de mes autres collègues qui veulent que ça change.

• Rassurez-moi : il vous reste quand même les insatisfactions artistiques ?

• Oui ! Ma frustration personnelle, je préfère la placer à l’intérieur de ma musique plutôt que dans un cadre de revendications. Mon « boulot » c’est ça, à mon échelle : ouvrons les esprits, abattons les murs, le monde est vaste ! Pensons large, écoutons, tolérons ! Méfions-nous des catégories.

• Et ce ne sont pas les catégories qui manquent, dans le jazz !

• Certes ! Je donne des cours à Sciences Po et je vois bien, chez les étudiants, ce besoin pressant de catégoriser plutôt que de s’engager dans des critères de plaisir. Est-ce que c’est du slam, du rap, de la variété, etc. ? Finalement ce sont des questions d’inspecteur des impôts : combien on va taxer… Les modèles, pouvoir dire « ça c’en est, ça c’en est pas », c’est rassurant. En France, ça a toujours été un travers. Voyez Panassié et son dictionnaire : « Miles Davis, trompettiste noir, traître à sa race ». [2] Point final ! Il y a trop de gens qui tracent des limites. Et c’est ça aussi qui, vu de l’extérieur, donne à ceux « qui n’y connaissent rien » l’impression que c’est une sacrée foire d’empoigne, que le jazz on ne sait pas vraiment ce que c’est et que du coup on reste en dehors, de peur d’une trop grande complexité…

• En même temps, on ne peut que se réjouir de cette résistance du jazz face à ceux qui voudraient l’enfermer dans des limites…

Photo Fabrice Journo/DR

• Oui ! Remontons l’Histoire : on prend un continent, l’Afrique, et deux trois pays, paf ! On déporte à tout va vers les États-Unis, on les jette dans les champs de coton, on les prive de tous leurs instruments traditionnels, on leur interdit leurs coutumes et jusqu’à l’usage de leurs langues ! Les gars, que font-ils ? Ils voient les marching bands : il prennent les cuivres ; ils inventent la batterie, bricolent de-ci de-là, et recréent leur musique. Tout ce qui arrive, ils le bouffent ! Aussi bien technologiquement qu’instrumentalement. C’est ainsi : le jazz est une musique omnivore. Plus elle bouffe, plus elle s’étend. On observe ça dans les cultures les plus vivaces. Voyez comment la musique brésilienne s’est mélangée avec le jazz ! Et la musique afro-cubaine ! Sans perte d’identité ! Les musiques les plus « faibles », si on ose dire, se laissent juste infiltrer par le jazz. Plus on avancera dans le temps, plus le jazz sera large – un peu comme l’Europe… Je vois ça aussi comme un truc un peu viral – mais en bien !

• Votre raccourci historique à partir de l’Afrique me renvoie au livre-thèse de René Langel, « Le jazz orphelin de l’Afrique » (Ed. Payot) ; l’auteur s’inscrit en faux, avec de solides arguments, contre le stéréotype de la filiation directe entre l’Afrique et le jazz, du fait en particulier que la déportation des esclaves a correspondu à un anéantissement culturel total – ce qu’on appelle un ethnocide.

• Je ne connais pas ce livre. Ce que je peux dire, comme une stupide généralité, c’est que l’apport de la musique occidentale dans la musique africaine, qui a donné le jazz, c’est la polytonalité, l’idée qu’on peut changer de tonalité. La musique africaine, comme la plupart des musiques traditionnelles, est modale. On reste à l’intérieur d’un mode, d’un certain nombre de notes qu’on va utiliser. La musique occidentale a développé l’harmonie à un point extrême : dans Bach, par exemple, on passe par toutes les tonalités avant de revenir à celle de départ… Et ça, ce n’est pas africain du tout ! Je pense qu’il y a une certaine nostalgie de cette simplicité tonale – que Miles redécouvre dans Kind of Blue, mais à sa façon, moderne, après un long parcours dans la polytonalité ; de même Bill Evans avec Debussy, Ravel, etc. Le jazz orphelin de l’Afrique… oui et non… L’acte de naissance du jazz résulte d’une « manipulation génétique » – horriblement contre nature : ça a demandé des efforts considérables, des bateaux, des chaînes, des esclaves, le commerce, tout une construction énorme qui a donné naissance au jazz comme quelque chose d’improbable. Ça n’aurait jamais dû se produire, le jazz ! Autant le cinéma, cette merveilleuse invention, ce surgissement technique et artistique, on le comprend… autant le jazz a nécessité toute cette débauche d’avidité et de commerce ! Et faire que la musique occidentale et la musique africaine trouvent le moyen de se respecter l’une l’autre.

• Vous êtes aussi un littéraire – vous écrivez, et pas seulement sur Monk ; vous publiez des nouvelles, entretenez un blog, etc. Quelle influence cela peut-il avoir sur le musicien que vous êtes ?

• Je dirais que c’est beaucoup plus la musique qui parle à mon écriture que l’inverse. En écrivant, je réalise cette importance de la musique dans l’écriture. Je reste un musicien autodidacte ; je ne suis jamais sûr de mon coup, avant de jouer la note je ne sais pas si ça va être la bonne… Je reste terrorisé à chaque fois que je vais jouer. En revanche, j’ai une solide formation académique (Ndlr : L. de Wilde est sorti de « Normale Sup’ ») et à cet égard, quand je considère parfois mes collègues bien formés musicalement, je me prends à les envier en pensant : « Quelle chance ils ont de pouvoir aborder la musique avec autant de certitudes ! » Et je me dis en même temps : « C’est marrant, c’est aussi ce qui m’arrive quand j’écris : je sais quand c’est juste, je sais où ça va », alors qu’en musique je tâtonne bien plus !

par Gérard Ponthieu // Publié le 16 avril 2012

[1Monk, L. De Wilde (Folio – 1997).

[2Ndlr : La citation exacte est : « Trompette né à Alton, Illinois, en 1926, qui a délibérément tourné le dos à la tradition musicale de sa race et qu’on peut citer en modèle de l’anti-jazz. ».