Entretien

Boris Darley

Ingénieur du son bien connu des musiciens de jazz, il a été le quatrième membre du trio de Matthieu Donarier dans l’aventure de l’enregistrement de l’album live.

Ingénieur du son bien connu des musiciens de jazz, il a été le quatrième membre du trio de Matthieu Donarier dans l’aventure de l’enregistrement de l’album live.

  • Quelles sont les contraintes d’un concept comme l’enregistrement d’un disque en public dans des salles différentes ?

D’abord celles d’un enregistrement live tout court : l’acoustique des lieux moins maîtrisable qu’en studio, le son amplifié qui sort des retours et de la façade et « pollue » un peu, la « repisse » [1] qui interdit pratiquement toute rustine [2] sur un seul instrument, et donc les montages qui doivent se faire pour tout le groupe au même endroit, le mec qui tousse dans la salle et qui gêne... Mais ces contraintes ont parfois un côté positif : l’acoustique d’un lieu qui fait sonner tel morceau mieux qu’en studio, le son des retours et de la façade qui « pollue bien », le micro du sax qui, situé à trois mètres de la batterie, agit comme un micro d’ambiance pour la cette dernière, l’acoustique du lieu étant alors en évidence... La principale contrainte des salles différentes, c’est la différence de couleur, qui peut poser un problème d’unité de son sur le disque. Mais là encore, on peut voir les choses autrement et penser que certains morceaux vont vraiment trouver leur son dans un lieu et que les différences de couleur seront assumées. La musique du trio, ce sont des chansons avant tout. Le son, c’est eux qui le font (moi, j’essaie juste de ne pas trop le salir !). Le reste, c’est une sorte de post-production à la source ou un truc que je ne saurais pas expliquer, avec une part d’incertitude et d’aléatoire...

  • Comment s’est organisée la rencontre avec le trio et le choix de travailler ensemble ?

On se connaît depuis plusieurs années, par d’autres projets. Je traînais dans les parages quand ils ont enregistré le premier disque chez Gérard de Haro à Pernes-les-Fontaines (Studio La Buissonne). J’ai aimé leur son et leurs chansons.

Matthieu a enregistré Kindergarten (duo avec Poline Renou) dans des conditions analogues à ce qu’on vient de faire. C’était au Point Bascule à Marseille, avec l’ingénieur du son Bruno Lévée, et j’ai participé au mixage. Ça m’a plu et on s’est senti en confiance.... Du moins moi ! Matthieu m’a tendu une perche il y a environ un an, à un moment où je n’avais plus trop envie d’enregistrer en studio. On a fait un test au printemps 2008, un peu dans l’urgence (une idée à moi, assez moyenne), pas concluant - eux n’étant pas contents du concert, qu’on a même jamais ré-écouté. Ça ne nous a pas beaucoup avancés, sinon qu’on savait mieux quels endroits il fallait éviter. Pour le plateau du Jean Bart à Saint-Nazaire, je connaissais et j’ai approuvé (le poulet au potimarron de la maman de Matthieu à lui seul valait le déplacement...). Pour l’Espace Culturel de l’université d’Angers, j’ai fait confiance à Matthieu. ...et j’ai bien fait.

  • Pour ce qui est du choix entre les prises, quels sont les critères de sélection ?

On choisit celles où le pied de micro n’est pas tombé parce que pas assez serré ; celles dont les mises à plat que j’ai faites au casque dans le train [3] n’a pas rebuté Matthieu ; celles où l’ampli guitare de location n’est pas en train de rendre l’âme et où le jack est bien branché, encore que... Celles où l’anche du sax n’est pas trop ceci ou cela et où le bec n’est pas détablé, encore que... Celle où Joe a le « duende », avec « oune chiquillero de chapuente »....

  • Les enregistrements se sont-ils bien passés, de votre point de vue ?

A l’heure qu’il est, et l’écoute des mises à plat n’étant pas terminée, il est trop tôt pour dire qu’on a totalement échoué. S’ils m’appellent demain pour tout recommencer parce qu’ils trouvent la musique nulle et/ou le son pourri, j’y retourne... Mais il y a encore le montage, le mixage, le mastering, les gens à remercier sur la pochette... On n’est pas au bout...

par Julien Gros-Burdet , Matthieu Jouan // Publié le 10 septembre 2009

[1La « repisse » de la batterie dans le sax, par exemple, c’est la quantité de son de batterie reprise par les micros du sax. En studio, on peut éviter le phénomène (en théorie) en isolant les instruments dans des cabines séparées, ce qui permet de ne refaire qu’une phrase de sax ou un passage de batterie en gardant la trame globale de la version du morceau.

[2Les « réparations », dans les pistes d’un instrument, le bout de phrase, la note un peu fausse, le truc pas bien en place.... ça peut aller jusqu’à refaire tout un chorus sur une rythmique qui tourne bien. En live, on peut presque jamais utiliser ce genre d’artifice, il faut donc faire du montage « tous les instruments en même temps », pour raccorder, par exemple, le thème d’une prise avec le chorus d’une autre, à condition que l’intention et le tempo le permettent.

[3Sur mon EeePC avec Reaper, dont la licence à 50$ appartient à Gilles Olivesi.