Chronique

Brandon Seabrook

Object of Unknown Function

Brandon Seabrook (g, bjo, tapes).

Label / Distribution : Pyroclastic Records

Parmi les albums en soliste, ceux des guitaristes sont souvent les plus attendus. On se souvient il y a dix ans du Meltframe de Mary Halvorson qui avait largement contribué à cartographier finement son terrain de jeu ; que ce soit dans Triple Double ou plus anciennement avec Jacob Garchik, on associe souvent la guitariste et son homologue Brandon Seabrook. Il propose Object of Unknown Function (OUF) et force est de constater avec le banjo de « Unbalanced Love Portrait » ou avec la boucle bruitiste de « Perverted By Perseverance » que s’il existe une vraie proximité entre les guitaristes, leur intimité soliste n’habite pas les mêmes confins.

L’univers de Brandon Seabrook est riche et souvent radical, pouvant se rattacher au rock le plus noise, comme aux musiques contemporaines directement influencées par le rapport au son ; c’est ce que nous avions constaté avec son récent Brutalovechamp, bardé d’électronique et de jeu d’archet avec deux contrebassistes. Ce solo se place dans cette même perspective, avec ce mélange de sécheresse expansive, telle qu’on l’entend dans « Gawk Fodder » où le jeu devenu de Seabrook semble embrasser un blues titubant qui aurait croisé la musique répétitive.

Certains vous diront que OUF n’est pas le premier solo de Seabrook, c’est formellement vrai, mais jamais il n’avait creusé son univers aussi profondément. Sylphid Vitalizers date d’il y a dix ans, et si l’on retrouve ce goût pour les boucles et les univers entropiques, il n’y a pas ce sentiment de bataille continuelle qui sourd de ce nouveau solo. Dans OUF, ce n’est pas la profusion ou l’entêtement des cordes et de l’électricité que l’on retient, mais un vrai propos sinueux, qui prend la voie la plus abrupte et regarde nonchalamment de chaque côté de la route. C’est ce que l’on entend dans le morceau-titre, « Object Of Unknown Function » et son banjo conquérant qui ancre le solo dans une esthétique que Seabrook va s’échiner à sculpter, aussi finement que brutalement parfois. Mais surtout, en usant de bandes, de procédés moins électroniques, il donne à son solo une vraie incarnation, quelque chose d’infiniment plastique qui prolonge et éclaire ses plus récents choix d’une énergie des plus personnelles.

par Franpi Barriaux // Publié le 5 janvier 2025
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