Chronique

Camila Nebbia & Axel Filip

Colibri Rojo

Camila Nebbia (ts, fx, voc), Axel Filip (dms, fx)

Label / Distribution : Ears And Eyes Records

Il suffit parfois d’un fil, et c’est toute la bobine qui se déroule. Découverte en ce début d’année, la saxophoniste argentine Camila Nebbia nous ouvre une fenêtre des plus claires sur la scène argentine. Avec le batteur Axel Filip, déjà présent sur le très beau Aura, nous faisons une autre découverte, en nous étonnant que cet ancien élève de Ben Goldberg et Marilyn Crispell soit passé aussi longtemps sous les radars : son jeu instinctif, très musical à l’instar de ses effleurements de cymbales sur le très beau « En el alto desierto », aride et minéral, parle pour lui. Même lorsque la tempête se lève, fugace et explosive, le percussionniste conserve un flegme et une assurance rares. Quant à Nebbia, elle brille, comme elle nous y a désormais habitués. Au seul ténor et à la voix, elle joue à fleuret moucheté avec les sons travaillés de la batterie. Les englobe, les travaille comme une pierre brute tout au long de ce Colibri Rojo.

Ces musiciens se connaissent depuis toujours. Sur « La luz de atrás », alors que les effets électroniques et les paroles de la saxophoniste donnent au disque un effet kaléidoscopique prélude à un « Hurón » joué droit devant, on perçoit que le duo n’a pas besoin de palabres ou de round d’observation. Chacun sait où il va et suit l’autre avec une confiance sans faille, sans chercher la surenchère. Les morceaux sont courts, directs, sans fioritures (« Xinxu »), même quand le ténor rauque et acide de Camila Nebbia, très proche d’un Ken Vandermark parfois, est tenté par la déflagration ; Axel Filip est là et veille à conserver la tension. À préserver l’énergie.

Avec ce disque, la paire argentine se glisse dans une forme assez classique des musiques créatives, celle d’un duo sax/batterie qui cherche la ligne la plus droite, qui va directement à l’os. « Colibri II », déambulation sur la ligne de crête, est à cette image. Mais ils le font à leur manière, en y cherchant des habits neufs. L’ouverture de l’album dit tout du reste : « Intransigente », l’intransigeance propre aux choix qui sont faits ici comme cet étrange « Ojos Cerrados » où la voix entêtante de Nebbia vient apporter à ce dialogue un angle différent, un biais qui en fait un objet très personnel. Décidément, on n’en a pas fini avec ces musiciens-là.

par Franpi Barriaux // Publié le 19 septembre 2021
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