Chronique

Cédric Piromalli, Antoine Polin, Olivier Thémines

Quiet

Cédric Piromalli, rhodes ; Antoine Polin, g ; Olivier Thémines, clar.

Label / Distribution : Yolk Records

Quelque part au XVIIe siècle, une musique s’affirme dite da camera. Elle est jouée le plus souvent en trio, deux instruments solistes s’appuyant sur une basse. Elle divertit, elle agrémente, loin des églises. Si elle vit aujourd’hui dans celle de [Quiet], c’est par l’intelligence de ses acteurs ancrés non pas dans une tradition asséchée, mais dans un moment musical dont l’empreinte est encore manifeste à plusieurs égards. Nos jazzmen se jouent de cette filiation, s’écoutant puis se poursuivant pour mieux se rejoindre, non sans révérence, à cette matière unique et nécessaire, élevée au rang de tension absolue par Miles Davis, le silence.

L’inutile et le superflu ont été bannis de cette performance minimaliste que rien ne vient encombrer. Sans doute le Fender Rhodes, la guitare et la clarinette, peu habitués à se côtoyer aussi intimement, en portent-ils la responsabilité, car la preuve est donnée qu’ils font mieux que s’accorder dans cette suite de récits courts qui, doucement mais avec énergie, conduisent à un monde nouveau fait d’espace et de sons cristallins. Au départ le dépaysement frappe, mais très vite on se prend à superposer des images à la partition. Un film muet défile devant nos yeux, accompagné par la musique du trio [Quiet], qui semble avoir improvisé avec beaucoup de rigueur et de plaisir sur des plans rêvés mettant en scène un Max Linder ou un Buster Keaton.

Mais ces onze compositions ne sont pas que divertissement. Elles demandent de l’écoute, de la patience et, pourquoi pas, de l’imagination. Toutes vertus tendant à disparaître sous le talon de fer de la normalisation standardisée. Il fallait oser s’aventurer sur les terrains découverts des « Causses », de « The Line Rider » et de « John Doe ». Heureusement, Piromalli, Polin et Thémines s’y sont risqués.