Chronique

Manu Carré Electric 5

Go !

Manu Carré (ts, comp), Aurélien Miguel (g), Florian Verdier (kb), Nico Luchi (b), Max Miguel (dms).

Label / Distribution : ACM Jazz Label

Ce nouveau disque du saxophoniste Manu Carré a des allures de saut en parachute. Go ! résume bien l’esprit d’une musique qui ne s’abandonne ni à la contemplation, ni à la torpeur d’une fin d’été et rappellera le Go de Dexter Gordon sorti en 1962 chez Blue Note, modèle de ferveur et de lyrisme. Les multiples expériences de ce brillant compositeur, depuis Menton jusqu’aux cités du Nord de la France, l’ont certainement entraîné à aller de l’avant tout en défrichant des territoires aux confins d’un jazz tonique et multiculturel.

Aucun étonnement donc à découvrir un « Afrunk » musclé qui ouvre une session où chaque musicien tient sa place sans s’enfermer dans un genre définitivement établi (le saxophone plus jazz, la guitare plus rock, etc.). Il s’agit tout au contraire d’un véritable mélange – et les variantes successives de la batterie de Max Miguel en témoignent – où chacun participe à la solidité du groupe qui semble s’être constitué le plus naturellement du monde. Manu Carré concentre ici une grande part du jazz contemporain au sens où ce dernier s’affirme comme une pluralité de genres qui sont autant de regards vers les origines de la Great Black Music : son puissant, groove persistant, lyrisme percussif nourrissent les plus belles plages du disque. Il y a du Blue Note là-dessous… jusqu’à la séduisante pochette qui donne immédiatement envie de l’ouvrir.

Le jeu d’Aurélien Miguel, qu’il faut écouter dans « Niou » notamment, rappellera la maîtrise d’un Carlos Santana. Au petit jeu des influences perceptibles, on aura aussi noté le Michael Brecker de la belle époque, celle du jazz-funk conduit par un saxophoniste ténor intarissable. Mais chacun des cinq musiciens révèle une personnalité identifiable exposée dans « 2pressions », une composition qui attirera vers le jazz les aficionados du funk, voire du hip-hop. Manu Carré aime les mélodies joliment écrites et les élèves qu’il forme dans les écoles et autres conservatoires sont à bonne école. Son esprit digne d’Ornette les comblera.

Il est des disques qui donnent envie d’aller au concert : celui-là en fait partie parce qu’un travail collectif de cette trempe doit être vu.