Chronique

Jean-Marie Machado - Danzas

Lagrima Latina

Jean-Marie Machado (p, comp), Simonetta Soro (voc), Claudia Solal (voc), Sofia Ribeiro (voc), Didier Ithursarry (acc), Joce Mienniel (fl), François Thuillier (tuba), Claus Stötter (bugle, tp), Cécile Grenier (alto), Stracho Temelkovski (perc).

Label / Distribution : Cantabile / L’Autre Distribution

Le croisement du jazz et des musiques du monde est ancien et naturel : les origines ethno-géographiques du jazz ont, dès sa naissance, aboli les frontières et ce définitivement. Comme d’autres (et on pense en particulier à Renaud Garcia-Fons), Jean-Marie Machado multiplie les croisements au sein de la Méditerranée occidentale, poussant même ses élans jusqu’aux rivages de l’océan du côté de Lisbonne et de Tanger, avec les musiciens de Danzas, orchestre fondé en 2007. Ce disque pourrait être un hymne à la latinité, une latinité libertaire fécondée par le jazz et les envolées vocales du chœur féminin, héritier du choros grec ancien et de l’opéra.

La puissance des cuivres (Jean-Charles Richard et Claus Stötter, notamment) rappelle l’internationalisme de la musique, de Harlem à Barcelone, sur le somptueux « Instant sans fin » qui ouvre ce disque voyageur. Cuivres afro-américains mais aussi balkaniques avec un soprano dévoué à la géographie multiple de cette larme latine.

La tradition est souvent toute proche, représentée par la flûte de Joce Mienniel (par ailleurs ancien de l’O.N.J. et compositeur de musiques de films) et le tuba de François Thuillier dans « L’étoffe de sa taille ». On passe d’une musique de rue, fanfare ou banda, aux pierres épaisses d’une église romane catalane, puis aux sentes d’une balade (et ballade) où perce l’Orient bientôt foisonnant et carnavalesque. La présence discrète du poète galicien Antonio Placer n’est sans doute pas étrangère aux cris retenus des voix claires de Simonetta Soro, Claudia Solal et Sofia Ribeiro.

Expérimenté, Jean-Marie Machado possède le goût et la culture indispensables à l’élévation de compositions où chaque instrument – dont le très bel accordéon de Didier Ithursarry sur « Te escribo el mar » – se fait entendre à l’instant décisif où on l’attend naturellement, comme une évidence.

Lagrima Latina est davantage qu’un opus baroque : c’est une définition de la musique.