Tribune

Chris Biscoe s’engage contre les violences intrafamiliales

Le saxophoniste anglais vend ses disques au profit du Refuge Against Domestic Violence


Artisan discret de la scène jazz anglaise et européenne, compagnon de route de toujours de Mike Westbrook, le saxophoniste Chris Biscoe est de ceux dont le nom dans un orchestre est signe de qualité. Son statut de sideman de luxe ne doit pas faire oublier que, en quartet comme en orchestre plus large, Biscoe a une carrière de leader impeccable. Le dépôt sur BandCamp de quelques-uns de ses albums au profit de l’ONG anglaise Refuge Against Domestic Violence, qui agit contre la violence intrafamiliale, est l’occasion de profiter du goût de l’Anglais pour l’idiome mingussien tout en faisant une bonne action.

Si de nombreux musiciens utilisent de plus en plus la plateforme BandCamp pour soutenir une cause, il est rare que tous les profits soient dirigés vers une association, a fortiori pour un sujet aussi crucial que celui de la violence faite aux femmes. En France, en 2019, 146 femmes sont mortes de la main de leur conjoint, les étiages sont les même outre-Manche et il est important de soutenir les associations qui agissent, d’autant que la période du confinement a eu un effet dévastateur. C’est donc avec une double motivation qu’il faut apprécier le Profiles of Mingus de Chris Biscoe, avec un line-up britannique digne de la famille royale. Paru en 2010, ce disque est une douce pensée adressée au contrebassiste : du tromboniste Trevor Mires (The Herbaliser) au remarquable travail au piano de Kate Williams, tout est en place, y compris quelques arrangements malins, notamment sur « Boogie Stop Shuffle » où Biscoe passe à la clarinette.

On a confirmation de ce goût pour Mingus et Dolphy sur les deux albums de son quartet, où l’on retrouve le batteur Stu Butterfeld et Larry Bartley à la contrebasse. Pour compléter le carré, le saxophoniste Tony Kofi qu’on a déjà entendu avec Jamaaladeen Tacuma. Paru pour la première fois en 2008, Gone in The Air est un disque studio hommage à Eric Dolphy. Gourmand et joyeux, le quartet se plaît dans la revisite de « Out to Lunch » où Biscoe se fait plus exubérant qu’à son habitude. Une formule qui se devait d’être documentée en live, avec en 2011 Live at Campus West où Dolphy, Mingus et Monk se mélange avec jubilation, et où la relecture de « Epistrophy  » permet de nombreuses audaces.

On aura même l’occasion d’écouter le nouvel album de Biscoe. Paru en avril dernier mais enregistré en 2016, Wobbly Rail Five est une œuvre en quintet avec Liam Noble au piano et Steve Watts à la contrebasse. On y constate certes des reprises, péché mignon de Biscoe (ici « Played Twice » de Monk joué très resserré avec Pete Hurt au saxophone soprano), mais aussi certaines de ses belles compositions, à commencer par « O Pioneers ! » qui ouvre l’album comme un tribut à toutes les têtes chercheuses du jazz contemporain auquel Biscoe aura consacré sa carrière. On ne se lasse guère de « Aggro Turismo  » qui permet au batteur Jon Scott de s’exprimer au mieux. La musique est simple, directe, et aussi colorée que la peinture de Kate Westbrook qui illustre la pochette. Il y a une grande nostalgie dans la musique de Biscoe, mais qui fait fi de la posture et de la poussière. Le tout en encourageant la lutte contre les violences faites aux femmes ; indispensable, même sans musique et qui peut se prolonger près de chez vous, en soutenant les associations de terrain dans votre région…