Kate & Mike Westbrook
The Serpent Hit
Kate Westbrook (voc), Mike Westbrook (comp, dir), Andy Tweed (as, ss), Chris Biscoe (as), Karen Street (ts), Chris Caldwell (bs), Simon Pearson (dms)
Label / Distribution : Auto Productions
Après les festivités qui ont marqué ses soixante-quinze ans, Mike Westbook revient, en compagnie de Kate Westbrook, nous conter une nouvelle histoire. Comme toujours, celle-ci pourrait verser dans le désespoir… sans la légèreté du premier et l’élégance de la seconde. Après avoir évoqué la mort, la disparition d’amis proches, la guerre, il est carrément question ici de l’anéantissement du monde ! Une délicieuse apocalypse portée par la voix doucement râpeuse de Kate, qui signe les textes et les illustrations [1] de The Serpent Hit et son paradis perdu.
Pour autant, l’album n’est ni lugubre, ni teinté de pénibles métaphores sur l’environnement. Juste un constat, admirablement dressé par une profusion de timbres ; le monde est fou et l’homme court à sa perte, comme lorsqu’il fut chassé du paradis ; voilà pour la fable. La sentence est tout de suite moins pénible lorsqu’elle est prononcée par un quatuor de saxophones. Le Coup de Grâce ne peut être plus doux que lorsqu’il est porté par le souffle soyeux du fidèle Chris Biscoe à l’alto (« Lob »).
Le premier à disparaître dans ce feu de joie où brûlent tour à tour les arts, l’environnement et l’innocence (magnifique « Throw » qui ouvre l’album sur la batterie belliqueuse de Simon Pearson), c’est Mike lui-même. Pas un trait de piano ni un souffle de tuba sur The Serpent Hit. Juste la direction d’une pièce écrite à l’origine pour le Delta Saxophone Quartet. Mais tel un deus ex machina, s’il n’est nulle part, c’est sans doute qu’il est partout… Voir par exemple la finesse des arrangements de l’instrumental « Pitch », où l’ambiance chambriste est soudainement bousculée par la grammaire ellingtonienne qui lui est chère. Chauffé à blanc par le saxophone baryton de Chris Caldwell, le morceau mute au gré de ses envies, pour aboutir à un solo de batterie très coloriste .
Même avec cet effectif réduit et atypique [2], Westbrook parvient à travailler la pâte orchestrale comme s’il s’agissait d’un grand orchestre, et conserve son goût pour l’humour et les clins d’œil. Ainsi, la longue pièce « Strike », qui clôt The Serpent Hit dans un enivrant mélange entre spleen et éclatantes explosions de cuivres, propose une musique très horizontale comportant un luxe de détails. Voici la bande-son idéale du Jugement dernier, qui s’harmonise parfaitement avec les jours précédents. C’est rassurant.