David S. Ware (1949 - 2012)
Quelques mots sur David S. Ware après sa disparition à l’âge de 62 ans.
Quelques mots sur David S. Ware après sa disparition à l’âge de 62 ans.
L’un de mes grands regrets, concernant le “Bordeaux Jazz Festival”, restera de n’avoir jamais pu y accueillir le saxophoniste ténor et compositeur David S. Ware, décédé la semaine dernière à l’âge de 62 ans. Je ne l’ai jamais entendu en direct, et j’avais donc très envie de vérifier en “live” l’effet que me produisait sa musique, écoutée sur disque. Cela ne sera pas.
Les indications biographiques ne manquent pas à son sujet, et on pourra s’orienter à partir de son site. La notice du Dictionnaire du jazz a été rédigée par Philippe Carles et elle se trouve page 1321.
Largement plus jeune que Sonny Rollins, David S. Ware a eu l’honneur d’interroger son aîné dans un entretien paru dans Jazz Magazine en juillet/août 2005. Mais si son premier disque acheté fut bien The Bridge, il reste que l’on pense d’abord, quand on l’écoute, à Albert Ayler, dont il partageait le goût pour l’incantation, et une dimension “spirituelle” incontestable. Il a en commun ce trait unaire avec David Murray, son cadet de six ans, mais il est resté beaucoup plus près de son modèle et sa discographie n’a pas la dimension pléthorique de celle de l’auteur de Flowers For Albert. Dans son parcours, assez linéaire, on trouve les noms de Cecil Taylor, Andrew Cyrille, Beaver Harris ; devenu leader, il est resté fidèle à la formule du trio ou du quartet, jouant un rôle important dans la mise en avant de musiciens comme William Parker, Matthew Shipp ou Susie Ibarra.
On a bien cru à son heure de gloire à la fin du siècle précédent quand, sur les conseils de son nouveau directeur artistique Branford Marsalis, la firme Columbia a inscrit David S. Ware dans la liste de ses artistes. C’est à peu près à cette époque qu’il a été invité par le festival Banlieues Bleues, avec deux articles à la clé, dans Télérama et Libération, sous les plumes respectives de Serge Loupien et Michel Contat.
Voici ce que j’écrivais à propos de son disque Flight Of I à l’époque de sa parution sous le label DIW : « Coltrane n’ayant cessé d’être post-coltranien, la tâche n’est pas aisée pour les saxophonistes-ténor qui s’engagent sur les voies les plus extérieurement repérables de ses dernières ascensions. L’appel généralisé au spirituel, repris de chez Ayler, peut produire aussi des énoncés musicaux formellement identiques, mais dont l’impact est aujourd’hui émoussé. Les mêmes choses ne passent plus par les mêmes discours. David S. Ware, compagnon de Cecil Taylor dans les années 75-80, déclare avoir trouvé depuis peu la voie qui le conduit à ne plus être au-dessus de la musique qu’il joue, mais en son intérieur. Ce supposé collage de l’énoncé et de l’énonciation pourrait avoir les pires effets. S’ils sont ici évités, c’est par la grâce d’une vertu commune aux quatre musiciens embarqués dans cette aventure : l’honnêteté. Redonnons donc à l’adjectif son sens premier, qui s’était un peu perdu pour ne plus vouloir dire que convenable. Après tout, le respect de certaines conventions est encore ce qui protège le mieux des risques de barbarie. »