Chronique

David S. Ware

Surrendered

David S. Ware (ts), Matthew Shipp (p), William Parker (b), Guillermo Brown (d).

Label / Distribution : Columbia Jazz / Sony

David S. Ware n’est pas un musicien ordinaire. Accompagnateur de Cecil taylor dans les années 70, il enregistre pour la première fois en leader à quarante ans, et signe sur une major à cinquante. Figure emblématique de la scène new yorkaise avec ses acolytes Matthew Shipp et William Parker - et Susie Ibarra il y a peu - il impose ses notes puissantes et sa silhouette massive sur les scènes du monde entier. Héritier de Coltrane et de Pharoah Sanders, fils spirituel d’Albert Ayler, sa musique « libre » n’est pas revendicative ou politique, mais libératrice et élévatrice. L’album s’intitule « Surrendered » (soumis/rendu), démontrant une philosophie bien différente des révoltes du passé.

Plus lyrique, mystique et romantique que jamais, il cherche à communiquer avec le monde, sans grille de lecture compliquée. Ainsi il reprend un thème de Charles Lloyd, grand passeur, pour démontrer ses nouvelles ambitions populaires, mais pas démagogues : sa rigueur, son niveau de jeu n’ont pas fléchi. Plus loin, la reprise de Beaver Harris est rythmée par la ligne de piano de « My Favorite Things » ou encore cette « Glorified Calypso » diablement dansante.

Pour ceux qui ont pu voir Ware en concert ces trois dernières années, « Theme of Ages » les replongera dans ce thème splendide, exercice subtil autour de quatre notes en forme de message universel, à l’instar du thème de « Rencontres du 3ème type ». En paix avec lui-même, il vise la communion via la musique, l’union de tous dans la vibration musicale, dont « Peace Celestial » pose les fondements. Comme ses illustres prédécesseurs, la musique déchirante de Ware s’empare de nous, prend aux tripes et élève l’âme dans une plainte humaniste où la poésie se niche dans l’expression d’une sincérité absolue et d’une foi sans faille. Les deux pieds sur Terre et le cœur dans les cieux, il est lui aussi « passeur » : d’un monde à l’autre, du fini à l’infini. Cela mérite bien une obole.