Scènes

Dexter Goldberg

Jazz à L’Étage (Rennes)


Dexter Goldberg © Jean-François Picaut

Dexter Goldberg est le troisième jeune artiste breton (27 ans) à bénéficier du programme Fresh Sound de Jazz à L’Étage, après Malo Mazurié et Maxence Ravelomanantsoa. A l’issue de sa résidence, cœur de ce dispositif de soutien aux jeunes talents, Dexter Goldberg a pu présenter ses compositions, écrites pour l’occasion, en première partie de Dianne Reeves pour la clôture du sixième festival Jazz à L’Étage (Rennes). Nullement impressionné, il s’est jeté tout entier dans son concert.

Bien que fils de Michel et Patricia Goldberg (respectivement saxophoniste et pianiste), Dexter Goldberg est très largement un autodidacte du piano, dont il n’aborde l’étude qu’à 17 ans. Très jeune, il manifeste cependant un goût prononcé et des dispositions pour la musique. La légende familiale veut qu’avant même l’école primaire, il ait connu et chanté par cœur de nombreux standards de jazz… Mais ce sont d’abord les percussions qu’il abordera au conservatoire à l’âge de neuf ans. Déjà bien familiarisé avec le jazz, il entre à 23 ans au Conservatoire national supérieur de musique de Paris où il étudie la composition et le piano auprès de Pierre De Bethmann, Dré Paellmaerts et François Théberge. Il y obtient son prix avec mention Très Bien en 2014.

Sa formation de ce soir est un trio où l’on trouve à la batterie Kevin Lucchetti, qu’on a pu apprécier, entre autres, dans le Trio Enchant(i)er, lauréat des tremplins jazz Rhônes-Alpes et Rezzo en 2011. La contrebasse est tenue par Bertrand Beruard, lui aussi lauréat du Conservatoire de Paris, où il a bénéficié de l’enseignement de Gildas Boclé, Yves Rousseau, Diego Imbert… Il a été maintes fois primé, comme leader ou comme sideman, notamment au festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés (2007 et 2012) et au concours de La Défense (2013).

Le concert commence avec « A Chord into Me », une composition de Dexter Goldberg, comme tout ce que nous entendrons. On aura remarqué le jeu de mots avec « according to me ». (Dexter est friand de ces petits jeux : il y a quelques années, il avait composé une pièce intitulée « Dexter E. T. »…) Le titre, en 3/4 et 4/5 (l’influence des percussions !), donne une bonne image de ce que sera l’ensemble du concert. Des passages très vifs, rythmiques, plutôt dans les graves, alternent rapidement avec des mélodies très aériennes. Dexter regarde peu son clavier, sur lequel ses longues mains semblent exécuter un véritable ballet. Le buste très droit, la tête légèrement en arrière, un éternel sourire aux lèvres, il fixe ses compagnons. Les échanges sont nombreux avec Beruard, remarquable. Suit « Smart Tone », qui présente la même alternance de climats. On pourrait parler de musique visuelle, avec des passages virtuoses au piano mais aussi d’infinies nuances et de beaux rendez-vous rythmiques avec le batteur ou la contrebasse. « RER B » égrène des sortes de saynètes très rythmées pour évoquer l’inconfort et le malaise qui caractérisent parfois ce transport francilien.

Le paysage suivant nous installe dans l’orage avec un superbe prélude au piano dans les tonalités graves. « Rainbow » évoque le tonnerre, la pluie : contrebasse et batterie contribuent à créer un étrange climat. Un petit bijou de composition. La richesse d’écriture dans le mariage des timbres caractérise aussi « I’ll Be O.K. », une ballade où prime la mélodie, tantôt intime tantôt plus ample, dans un mouvement swing plus traditionnel. Le temps de quelques mesures, on a parfois l’impression de saisir des bribes de chansonnette. « Tell Me Something New », décontracté, et « R’n’B », plus fébrile, terminent le concert par un retour à des rythmes souvent complexes.

L’alchimie de l’interaction au sein du Dexter Goldberg trio laisse à penser que cette formation pourrait bien ne pas être éphémère…