Chronique

Diego Imbert - Michel Perez

Double entente

Diego Imbert (b), Michel Perez (g).

Label / Distribution : Such Prod / Harmonia Mundi

Diego Imbert et Michel Perez, dont les cartes de visite racontent de belles pages de la vie du jazz, ont donné naissance à ce duo après un concert donné dans le cadre d’une master class. Ayant souvent eu l’occasion d’entrecroiser leurs cordes ces dix dernières années, ils se connaissent bien.

L’histoire de Michel Perez, qui commence au Hot Club de Lyon et se poursuit auprès de Slide Hampton, Johnny Griffin, Kenny Clark ou Hank Mobley (la liste est loin d’être exhaustive) est aussi celle de nombreuses formations, comme le groupe de jazz rock Spheroe créé dans les années 70 avec Gérard Maimone, mais aussi un quartet ou un sextet où ont évolué Sylvain Beuf, François Chassagnite, André Ceccarelli, Vincent Artaud ou Nico Morelli. En 1986, il a participé au film de Bertrand Tavernier Autour de minuit. Perez fait partie du trio Travelling Jazz avec Elisabeth Caumont et Pierre-Yves Sorin et joue souvent en duo avec le saxophoniste André Villéger, la chanteuse Hildegarde Wanzlawe ou Diego Imbert. La réputation de ce dernier, formé à l’école de Jean-François Jenny-Clark et Eddie Gomez, a très vite dépassé nos frontières avec le Gypsy Project de Bireli Lagrène et des collaborations prestigieuses aux côtés d’Archie Shepp, Aldo Romano, Eric Legnini, Pierrick Pedron, Rosario Giuliani, Baptiste Trotignon… En 2008, Imbert a monté sa propre formation avec David El-Malek, Alex Tassel et Franck Agulhon. Il est également très proche d’André Ceccarelli, notamment par le projet Le coq et la pendule avec Pierre-Alain Goualch et David Linx, et sa participation à Ultimo, récent disque en leader du batteur.

Double entente, album acoustique d’une profonde sérénité, va à l’essentiel, bien au-delà du talent de ses géniteurs : l’histoire de deux âmes qui se livrent à nu, contée en treize compositions originales équitablement réparties. Bien malin qui saurait dire ce que chacun a apporté aux mélodies ! Avec pour conclusion un émouvant « I Remember Chass’ » dédié au trompettiste François Chassagnite, trop tôt disparu au printemps 2011 [1].

Intime et volubile, Double entente le bien nommé est le témoignage vivant d’une unité à travers laquelle la musique coule comme une eau claire qui file entre les doigts. Empreint d’une douceur aux antipodes de la mièvrerie, il est comme un moment de vérité, celle d’un jazz libre de chanter et d’appeler à lui ce qu’il y a de plus sensible en nous. La beauté tranquille de la musique, sa fluidité, l’élégance complice du dialogue font de ce disque à la fois discret et persistant un moment privilégié, celui de l’écoute et de la transmission à deux voix d’une vibration chargée de toute une expérience. Autant d’atouts sans prix qui confèrent sa part d’éternité à ce qui, beaucoup plus qu’un simple et beau dialogue, est une véritable conversation, au sens le plus noble du terme.

Enregistré en septembre 2012 pour le label Such Prod, sur lequel Diego Imbert a publié ses deux albums en quartet [i], Double entente est un disque sans âge - hors du temps, à l’abri des concessions à la modernité, il surgit tranquillement de nulle part, d’un temps qu’on pourrait croire révolu alors qu’il est avant tout le symbole d’un présent éternel.

Que de confidences ici… Or, qui dit confidence dit confiance ; elle est omniprésente sur cette Double entente - il suffit de fermer les yeux et de se laisser porter.

par Denis Desassis // Publié le 11 mars 2013

[1Il s’agit d’un double clin d’œil puisque le titre de la composition évoque « I Remember Clifford » écrit par Benny Golson en hommage à un autre trompettiste, Clifford Brown, disparu en 1956 à l’âge de 26 ans seulement.

[iÀ l’ombre du saule pleureur (2009) et Next Move (2010).