Tribune

Disparition de Dominique Répécaud

Une personnalité hors normes de la musique vient de tirer sa révérence. Le festival Musique Action a perdu sa tête, sa Stratocaster orpheline pleure.


Dominique Répécaud © Jacky Joannès

Le guitariste Dominique Répécaud, mentor du festival Musique Action et directeur du Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy, est décédé le 19 novembre, trahi par un cœur qui battait très fort depuis toujours pour les musiques insoumises. Il avait 61 ans.

Dominique Répécaud © Jacky Joannès

La nouvelle est tombée comme un coup de massue, aux premières heures du 19 novembre : Dominique Répécaud est mort. Un choc pour tous les amoureux – et particulièrement du côté de la Lorraine – des musiques de traverses et des explorations sonores les plus extrêmes qu’offraient les instruments et l’imagination des musiciens. Celui qui assurait la direction du CCAM, scène nationale de Vandœuvre-lès-Nancy, du festival Musique Action et du label Vand’œuvre, était né le 1er mars 1955.

Dominique Répécaud était d’abord un guitariste, un autodidacte qui entretenait une relation très particulière avec un instrument dont il pensait que « tout avait été dit ». Une des caractéristiques de son jeu était son attachement profond au rock, mais dans sa forme ensauvagée, improvisée et musclée, à travers un jeu à haut volume sonore à la Stratocaster. Ses cordes électriques étaient dissonantes, étirées et distordues. Répécaud avait la faculté d’étendre les fonctions de l’instrument et de le repousser dans ses limites. Pour lui, il s’agissait d’éviter d’être soliste tout en l’étant en permanence.

Au début des années 80, il avait été le co-fondateur à Nancy du Collectif Soixante Étages, puis le créateur du trio Étage 34 (avec Daniel Koskowitz et Olivier Paquotte), qui enregistrera pour le label 33Rev-Permi. Il s’était produit avec Frédéric Le Junter, le quatuor de guitares Misères et Cordes, Rekmazladzep (avec Daunik Lazro, Camel Zekri, Thierry Madiot), Bruno Fleurence, Mathieu Chamagne, Franck Collot, Hervé Gudin, Tenko, Beñat Achiary, Pascal Comelade, Luc Ex… On se fera une idée de l‘étendue de ses collaborations ici. Quant à son cher Musique Action [1], souvenons-nous que ce festival aura accroché à son palmarès atypique et libre d’immenses figures des musiques improvisées : Tom Cora [2], Phil Minton, Evan Parker, John Zorn ou Louis Sclavis pour n’en citer que quelques-uns…

Tout récemment encore, Dominique Répécaud s’illustrait au sein du quatuor Praag avec Hugues Reinert, Anthony Laguerre et notre camarade Antoine Arlot pour qui nous avons une pensée toute particulière. Le groupe, qui se définissait comme « un chant aride, une épopée phonique où l’espace des sensations se cache dans les interstices », avait publié au mois de juin 2015 un album vinyle intitulé Souzdarmah. Plus que jamais, il était au cœur de cette musique à laquelle il voulait se consacrer exclusivement.

Citizen Jazz avait publié au mois de juillet un photo-reportage présentant l’édition 2016 (la trente-deuxième) du festival Musique Action, qui en illustrait la richesse et la diversité.

Cet acteur défricheur de la musique va nous manquer terriblement. Adieu l’ami !

La guitare de Dominique Répécaud © Jacky Joannès

par Denis Desassis // Publié le 20 novembre 2016

[1Auquel Henri Jules Julien avait consacré aux éditions Le Mot et le Reste un livre donnant la parole à une trentaine de musiciens, tels que Jean-François Pauvros, Daunik Lazro ou Michel Doneda.

[2Le label Vand’œuvre avait rendu un magnifique hommage au violoncelliste avec l’album Madame Luckerniddle.