Chronique

Duo Audinet Marty

Vitesse Locale

David Audinet (tb), Sylvain Marty (perc)

Label / Distribution : Musique en Friche

Repéré en 2012 avec Drifting Box Celebration, qui dévoilait un jeu radical échauffé par une grande liberté, le batteur Sylvain Marty incarne, avec les frères Arbon, la grande vitalité du collectif clermontois Musique en friche. Le label du même nom, laboratoire dont les couveuses laissent le temps aux musiciens de s’épanouir, offre aujourd’hui avec Vitesse locale un troisième volume en forme de duo. Marty y rencontre le tromboniste David Audinet, lui aussi membre du collectif (on le retrouve notamment dans la fanfare Les Défrichés, vaisseau amiral des agitateurs auvergnats).

Les deux improvisateurs travaillent sans concession une masse de silence aux contours épurés, mêlant frottements métalliques des cymbales et souffle ferreux des cuivres. Vitesse locale n’évoque aucun régionalisme. Ici, tout est rapport de force et pénétration dans l’air, friction d’énergie et perforation du mur du son. Dans une improvisation où tout concept d’harmonie est abandonnée au profit d’une tension créatrice, on peine parfois à savoir qui joue quoi. Sur « Espaces troués », le moteur de l’improvisation est-il le le crissement des baguettes sur les peaux tendues ou bien le jeu d’embouchure ? Et sur « Overdose », lequel des deux musiciens se lance dans cette décharge de bruit, ce flux d’électricité à haute tension qui se déverse dans un espace protéiforme ?

Les questions posées par ce jeu de masques restent en suspens et maintiennent l’auditeur sur un constant qui-vive, tressaillant de frappes avortées en glissandos bredouillés. On est parfois déboussolé par le magma grouillant des sons, mais le mouvement général dresse une architecture saillante et réduite à sa perspective la plus crue. De ce maelström, parfois, s’échappe du trombone une bribe de mélodie altérée par une sourdine (« Précipitations »), ou des percussions une nappe de rythmes sur laquelle dansent des notes tenues (« Agitations »). Mais c’est « Déplacements » qui permet au duo sa plus virulente étreinte, lorsqu’un ostinato cuivré vient griffer la peau tendue d’une batterie fulminante. Disque sombre et complexe, Vitesse locale nous plonge dans un univers bouillonnant d’improvisation. On se laisse avec enthousiasme emporter par ce tourbillon d’instantanés.