Marty / Cirotteau / Martin / Souchal
Les arbres ont bougé pendant la nuit
Nicolas Souchal (tp), Julien Martin (voc), Sébastien Cirotteau (son), Sylvain Marty (perc, dms)
Label / Distribution : Musique en Friche
Lors d’un duo avec le tromboniste David Audinet, Vitesse locale, le percussionniste Sylvain Marty avait déjà montré un goût pour les masses brutes et quelque peu sauvages qu’il convient de travailler à plusieurs sans pour autant dépouiller la musique son côté abrupt. En compagnie du trompettiste Nicolas Souchal et du chanteur Julien Martin, tous membre du collectif auvergnat Musique en friche, il applique à la lettre ce penchant pour une certaine rudesse en transposant sa musique au coeur de la forêt, aidé en cela par le preneur de son et par ailleurs poly-instrumentiste Sébastien Cirotteau, qu’il convient d’intégrer au cœur de ce qui est donc un vrai quartet.
Les arbres ont bougé pendant la nuit a le côté ténébreux et vaguement pernicieux des forêts plongées dans la pénombre quand la magie n’est jamais loin. C’est l’ambiance de « Colza nuit », lente pérégrination zébrée par le jeu d’embouchure de Souchal et les peaux de tambours effleurées de Marty qui se confondent avec le vent. La voix polymorphe de Martin va du borborygme à l’incantation aux allures chamaniques. Elle accompagne les états changeants des éléments, qui se mélangent et s’affrontent dans une forme d’agitation inexorable, tout en étant fondamentalement naturelle. Sans préméditation, mais avec une grande énergie. Cet art brut en constant mouvement fait suite à une ballade dans les « sous-bois », où la trompette trille avec les oiseaux au-dessus d’un marasme sombre et enchevêtré.
Capté lors d’une résidence à Bellenaves, au centre de l’Allier verdoyant, l’album doit beaucoup aux ambiances captées par Cirotteau, terreau indispensable sur lequel les musiciens improvisent de nouveau. Sur un morceau comme « Viaduc », ils jouent avec l’espace pour donner encore plus de relief à un propos déjà très dru. Lancée dans un tourbillon où l’on se retrouve parfois perdu, la musique ploie tour à tour sous la pluie des percussions et les cataractes de la voix. Elle souffle entre les feuilles, progresse et se répand. Elle fleurit ou se contracte pour revenir à l’état de nature, emportant tout sur son passage. Musique en friche, au sens strict.