Chronique

Emmet Cohen

Uptown in orbit

Emmet Cohen (p), Kyle Poole (dm), Russel Hall (b)

Label / Distribution : Mack Avenue Records

Le pianiste new-yorkais Emmet Cohen est désormais l’une des stars du jazz globalisé. Ses innombrables et désormais classiques vidéos publiées sur le net depuis la pandémie l’ont nimbé d’une aura d’authenticité et de proximité sans pareille - nombre de ses interprétations de standards sont désormais étudiées attentivement par les musiciens actuels.
Son album en quintet se veut la transposition sur galette de cet univers. Il a d’ailleurs confié au formidable batteur Kyle Poole le soin de produire ce disque. Comme si la présence de ce dernier sur la plupart des sessions vidéo dans son salon d’Edgecombe à New-York (un quartier entre le Bronx et Harlem, où vécut entre autres, Duke Ellington) l’autorisait à traduire dans le contexte d’un studio d’enregistrement les ondes positives captées par les caméras. Non sans quelques clins d’œil aux aspects patrimoniaux du répertoire abordé – un mix restituant parfois le son des années 1920.

Au piano, le jeu post-stride de Cohen fait des merveilles, jusque dans une version de « Mosaïc » de son prédécesseur hard-bop Cedar Walton. Cet art de la transgression des périodes canoniques du jazz est sa marque de fabrique. Il n’hésite d’ailleurs pas à le pousser dans les retranchements de la déconstruction sur sa composition « Distant Hallow », non sans avoir au préalable proposé une relecture en forme d’hommage à Willy « The Lion » Smith : « Finger Buster ». Parmi sa garde rapprochée, il a également convié le contrebassiste Russell Hall, d’une grande élégance jusque dans le jeu slap. Quant aux soufflants, il a fait appel à l’un des plus pertinents des sax alto, Patrick Bartley, lui adjoignant les services du trompettiste Sean Jones, magistral dans le suraigu. Ces deux-là n’avaient jamais joué ensemble ? Qu’importe, puisqu’il s’agit de sonner peu ou prou comme une jam-session dans l’esprit des rent-parties de l’entre-deux-guerres.

Pourtant,la production paraît un peu trop léchée pour transcrire un tel sentiment de solidarité sur disque. Comme si la quête de perfection dans l’univers sonore avait freiné le groupe dans ses perspectives d’effervescence collective dont on le sait capable. On attend encore le meilleur d’Emmet Cohen.