Chronique

Etienne Lecomte, Adrien Dennefeld, Jean-Pierre Jullian

Songe

Etienne Lecomte (fl), Adrien Dennefeld (cello), Jean-Pierre Jullian (perc)

Label / Distribution : Label Manivelle

Avec ténacité et conviction, Étienne Lecomte poursuit son chemin à l’articulation de la musique contemporaine et du jazz. On l’avait bien entendu croisé avec Vrak Trio, Funambule et, plus récemment encore, Madame de Butternut, un trio qu’il mène conjointement avec Adrien Dennefeld et Jean-Pierre Jullian, ceux-là mêmes qui signent ici ce nouvel album. Celles et ceux qui suivent la musique de ces trois-là ne seront pas surpris. On retrouve une esthétique qui fait la part belle à l’introspection, à l’étagement millimétré de chaque son, chaque note, chaque percussion. Peut-être plus encore que pour Le Grenier de la chouette, leur premier album, le trio livre ici une musique où les sons, parfois réverbérés à l’image de l’introduction à la flûte de « Course-poursuite dans le quartier d’affaire viennois », s’entremêlent au gré d’intensités qui inlassablement varient.

C’est extrêmement fin : un travail de dentellier qui nécessite beaucoup d’attention et de concentration de la part de l’auditeur pour en retirer toutes les saveurs. La musique ici ne se livre pas comme un vulgaire paquet clinquant et racoleur. Elle postule que celui qui l’écoute est doué d’une sensibilité profonde, d’une capacité à aller chercher dans son for intérieur des émotions qui se révéleront avec force et puissance.

Le disque se clôt avec « Fracas d’à-coups » et c’est finalement tout un programme qui se déroule ici : ce sont en effet de minuscules à-coups, microscopiques heurts, et c’est à la fois la somme et la combinaison de ces percussions qui, dérisoires lorsqu’elles sont isolées, constituent dans un agencement complexe l’architecture de cette belle musique. Un songe en somme.

par Gilles Gaujarengues // Publié le 12 juin 2022
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