Chronique

Étienne Manchon Trio

Elastic Borders

Label / Distribution : Troisième Face

Belle surprise que ce disque d’un jeune pianiste – 23 ans seulement – qui vit à Toulouse mais, c’est tout de même important de le souligner, est né à Nancy… Ce que l’auteur de ces quelques lignes ne saurait oublier ! Ce musicien encore tout frais s’appelle Étienne Manchon, et c’est avec son trio (parfois augmenté), né en 2016, qu’il donne aujourd’hui le jour à un album intitulé Elastic Borders, qu’on pourra traduire par « frontières élastiques ». C’est là une excellente définition de l’univers d’un musicien dont le spectre des influences est large : de Pink Floyd à Maurice Ravel ou Debussy, en passant par la musique baroque, l’opéra, le métal ou, pour ce qui est du jazz, Bill Evans par exemple. De quoi nourrir son inspiration jusqu’à la rassasier de moments habités. On se serait pas surpris d’apprendre que Manchon a écouté d’autres trios amoureux du franchissement des frontières comme The Bad Plus ou E.S.T. Il faudra le lui demander.

Autour du pianiste, Clément Daldosso est à la contrebasse et Théo Moutou à la batterie. Signalons aussi la présence de l’hyperactif Pierre de Bethmann au Fender Rhodes sur plusieurs titres, dont un duo très prenant avec Manchon, ainsi qu’une longue et belle suite en quatre parties dédiée à Claude Debussy. Autres invités sur ce disque : le saxophoniste Pierre Lapprand et le tromboniste Ossian Macary.

Et quelle que soit la qualité des invités, que dire au sujet de ce disque si ce n’est qu’on est immédiatement convaincu et emporté par l’énergie qui traverse toute la musique d’Étienne Manchon et ses partenaires ? Elastic Borders, qui paraît sur le label toulousain Troisième Face, est un album des plus séduisants : par sa succession de scénarios aux rebondissements multiples, sa grande diversité de climats et de tempos, par le flux d’énergie qui le traverse de part en part et par son élégance formelle. Servi par une paire rythmique d’une efficacité remarquable, cette belle formation est un terrain de jeu enchanté sur lequel s’épanouissent la fougue et le sens du suspense de Manchon, que celui-ci joue du piano ou du Fender Rhodes. Avec lui, la musique n’est pas un ensemble fini. Le pianiste signe la plupart des compositions et s’offre deux reprises, dont celle de « Because », une chanson des Beatles en provenance de l’album Abbey Road.

L’histoire du jazz est étoilée de trios de légende, avec lesquels on ne se risquera pas à l’exercice des comparaisons. Les aînés sont là, bien présents, et veillent sans doute sur le petit monde d’Étienne Manchon. Mais on ne peut que savourer l’audace de ces trois-là, jeunes musiciens qui semblent n’avoir peur de rien. Ils ont bien raison d’oser et ce disque mérite amplement qu’on en souligne ici les qualités très prometteuses.