Chronique

Florian Pellissier Quintet

Biches bleues

Christophe Panzani (ts, ss), Yoann Loustalot (tp, fgh), Florian Pellissier (p), Yoni Zelnik (b), David Georgelet (dms)

Label / Distribution : Heavenly Sweetness

Tout commence par un clin d’œil. A Miles Davis, bien sûr. Le titre fait référence à Bitches Brew et la couleur bleue domine, ce qui rappelle Kind Of Blue. Mais ce sont là des allusions trompeuses, puisque la musique n’est ni électrique, ni modale. Il faut scruter la liste des morceaux pour trouver un indice plus solide. On trouve alors une composition de Wayne Shorter, « Dance Cadaverous », extraite de Speak No Evil, l’un de ses chefs-d’œuvre, époque Blue Note. C’est effectivement plus du côté du hard-bop que lorgne Biches bleues. Les morceaux en sont des déclinaisons modernes. Il y a là un mélange entre les recettes d’antan et les ingrédients d’aujourd’hui. Un plat se réinvente, dit-on.

Il y a donc la tradition : une pulsation majoritairement ternaire, avec force walking bass et chabadas que Yoni Zelnik et David Georgelet dispensent avec enthousiasme, des thèmes joliment harmonisés par Yoann Loustalot et Christophe Panzani, par ailleurs auteurs de solos inspirés. Il y a aussi une alternance de titres enlevés et de ballades. Et, au centre, le piano de Florian Pellissier qui navigue, contre-chante, irrigue la musique d’accords bondissants et de phrases frivoles. « J’ai dû rêver » ou « Un roman inachevé » s’inscrivent totalement dans cet esprit. Deux beaux moments de musicalité, entre souplesse et intensité.

Mais le quintet ne se cantonne pas à ces canons. De nombreuses idées viennent donner du relief au répertoire, ainsi qu’une identité au groupe. Ces éléments de forme originaux semés par le pianiste dans ses compositions sont autant de surprises qui entretiennent l’intérêt jusqu’à l’ultime « Cinq minutes avant la fin » et sa rythmique accidentée. Sur « Sorcière, sorcière », c’est le thème en avalanche de notes qui amène de l’acidité au sortir de la pièce d’ouverture. Ce thème nerveux contraste avec la douceur de certains autres, dont « Biches bleues » et sa décontraction binaire, ou « Six jours après la guerre », morceau un peu mélancolique porté par une rythmique martiale paradoxalement romantique. Le contraste peut se retrouver au sein même d’un morceau. C’est ainsi que sur « Arumis », la pièce la plus longue, le groupe alterne des phases dynamiques articulées autour d’un riff puissant et des parties plus aériennes.

Les deux reprises choisies équilibrent la balance. D’un côté le morceau de Wayne Shorter, dans une version sobre et touchante, de l’autre une « Valse pour Hélène » singulière et entêtante du pianiste Jef Gilson. Partout la qualité d’exécution fait honneur aux membres du quintet, et c’est avec appétit que l’on parcourt ces neufs morceaux réunis, puis que l’on y revient.