Chronique

Hedvig Mollestad trio

Enfant Terrible

Hedvig Mollestad Thomassen (g), Ellen Brekken (elb, b), Ivar Loe Bjørnstad (dm)

Label / Distribution : Rune Grammofon

Cet album du trio d’Hedvig Mollestad Thomassen sort en 2014, cinq ans après l’émission du faire-part de naissance. Enfant Terrible n’enfonce pas le clou de la turbulence, il offre un travail de finition. Moins un clin d’œil à Cocteau qu’une référence avouée à Just Kids, le livre de Patti Smith, publié en 2010 où l’artiste new-yorkaise relate ses années d’errance puis d’éclosion aux côtés de Robert Mapplethorpe. Il s’ouvre en 1967 : « L’été de la mort de Coltrane (…) Jimi Hendrix mettait le feu à sa guitare ») - l’album est un postulat artistique.

En clair, le trait se précise, le propos vient plus vite au fait. Le mixage, le son, l’équilibre d’ensemble est trouvé : moins brumeux, plus tranché ; moins sale, plus noir. Avec son troisième album, HM3 pose les contrastes nets et passe sans rougir d’un registre à l’autre. Du jazz au rock ? Pas si simple. Cette pochette en noir et blanc en est l’emblème. Elle a tout d’un portrait officiel. Hedvig Mollestad, diaphane, impose sa classe, sa vision dure et dextre à la fois. Six morceaux non affranchis de l’écriture jazz, territoire d’origine du trio, mais qui mordent franchement dans le hard rock.

Dès l’intro de « Laughing John » un classique launcher du trio en concert, en hommage à John McLaughlin, le son de la Gibson ES, toujours au premier plan, s’impose sur un mode reconnaissable, tempo lent qui amène des riffs lourds, thèmes balisés mais d’une grande souplesse, contrebasse ample et galopante d’Ellen Brekken, à l’épreuve des embardées ou volte-faces d’Ivar Loe Bjørnstad à la batterie. C’est de la magie noire sans trucage, sans fumée.

Car, d’air, ce disque n’en manque pas. Il regorge de respirations nécessaires, d’accalmies dans lesquelles toute la dramaturgie de la musique de ce trio norvégien s’exprime. Ecouter « Pity The Children », c’est comprendre toute la tendresse qu’il véhicule derrière les grésillements électriques, dans ses improvisations granuleuses et jouissives. Au premier plan, on distingue toujours le plaisir de jouer, les arpèges impétueux, les nappes sonores que tissent l’archet et les cavalcades percussives qui résultent d’une écoute vaillante et bienveillante des trois inséparables. Terrible enfant du rock biberonnée au jazz ou divine enfant du jazz tombée dans le rock. Après tout, pourquoi choisir ?