
Il faut mesurer avec quelle douceur et quelle élégance la harpiste Isabelle Ollivier nous fait entrer dans son univers. Il est parfois littéraire, souvent très coloré, mais toujours d’un velours extraordinaire. Pas quelque chose de bêtement langoureux ou un peu naïf ; non une vraie douceur. Lors de la sortie de Smile, nous parlions de légèreté. C’est un champ similaire, quelque chose qui se situe entre la fluidité et une détente qui confère à la souplesse. Un univers où l’on se sent bien. Impressions, néanmoins, marque un léger virage, une inflexion. Après avoir travaillé proche de l’électronique en famille avec Raphaël Olivier, elle renoue après In Between avec un propos plus orchestral et plus ambitieux aux côtés de la violoniste Anne le Pape et le violoncelliste Jean-Philippe Feiss sans perdre cet aspect très intime des choses. « Eclats » est à cette image, très debussyenne, le quatuor à cordes (Matthias Naon au violon, Cyprien Busolini à l’alto) devisant avec l’accordéon de Tom Olivier-Beuf et la harpe dans une atmosphère orientaliste. Foncièrement impressionniste.
Impressionniste, le terme est lancé. De « Fleurs de Soleil » aux morsures de l’aube dans la magie des cordes et la rigueur rythmique de Baptiste Thiebault jusqu’à « Evanescence » d’une sensibilité rare, tout est envisagé avec un calme pointilliste et des halos de chaleur. Isabelle Olivier se livre sans grandiloquence, avec un naturel qui définit absolument sa musique, même dans ce « Tango » de guingois qui réclame la lumière. Il y a ce qu’il faut de piquant dans cette musique aux propos très courts, presque instantanés pour paraître toujours en veille.
« Impressions », c’est aussi un titre fondateur de l’œuvre de Coltrane. Il clôt l’album avec un grand naturel, bouclant ainsi un soin particulier à s’inscrire dans un paysage plus ou moins fantasmé. Il n’y a pas d’attaque frontale du thème, comme on le connaît chez Coltrane, notamment avec Dolphy. Le piano de Tom Olivier-Beuf égraine le thème que la harpe d’Olivier, jamais maniérée, fait rouler au milieu des cordes. Le quatuor de cordes est un bourdon qui se saisit peu à peu du thème, évitant toute tentation évanescente. Le résultat est chaleureux, à l’image du reste de l’album et de l’univers de cette musicienne incontournable.