Chronique

Jack DeJohnette

Made in Chicago

Henry Threadgill : as, bfl, bass recorder ; Roscoe Mitchell : ss, as, fl ; Muhal Richard Abrams : p ; Larry Gray : b, cello ; Jack DeJohnette : dms

Label / Distribution : ECM

Cet ensemble chicagoan - incarné par Abrams, Threadgill, DeJohnette et Gray, que hantent vaguement Bowie, Favors, Jarman et Don Moye (deux morts, deux absents), et qui n’a donc rien à voir avec l’Art Ensemble, n’était la présence en son sein de Roscoe Mitchell -, fête des retrouvailles vieilles de l’école primaire : une performance façon Copains d’Avant donnée l’été 2013 au Pritzker Pavillon Millenium Park à Chicago.

Le génie des peaux et des métalleries chantantes invite quelques anciens warriors du free et de l’usure de culottes courtes, déguisés en pompiers inattendus du Ground Zero de l’écriture contrapuntique : cet aréopage d’ingambes septuagénaires (et plus) arpège des dopplers sur tous les tons (y compris d’ébouriffantes secondes diminuées campant à s’y méprendre l’essaim de guêpes occupé à lamper l’hydromel des psychés), poussent et pincent le souffle par mille et un jeux de clés, d’anches - cornemuse mimée ou chinese musette redmanienne, langage zoomorphe, piailloux, gémisses, freetages, veloutes en flûtes courbes (Mitchell, Threadgill)…

DeJohnette, lâchant bien prise, plus « ambianciel » que rythmique (usant comme naguère Wyatt d’une caisse claire détimbrée - except on « Ten Minutes » -, ce qui rend le spectre percussif enrobant) et quoique titillant la muse en mode pépère, livre la meilleure composition de l’album (« Museum of Time »).

Ailleurs c’est plutôt le spleen d’un Federico Mompou rodéant un bison assoupi ou d’un Claude Debussy doucement torché qui anime Abrams et invite le public tout charmé à une belle récréation communicative, joviale.

Pas de quoi casser des bricks de lait de vache sacrée ni même cinq pattes à un canard : ce pur produit d’archives se laisse gentiment écouter, avec respect - pointures obligent -, la main au bord du bâillement de corneille privée de tragédie - sans éberluement notable donc.