Chronique

Jazz Live

Un panorama de la planète jazz en 10 documentaires

Réalisateurs : Frank Cassenti, Samuel Thiebaut, Josselin Carré, Mélanie Golin, Jeremiah, Audrey Lasbleiz, David Unger, Giuseppe de Vecchi, Jacques Goldstein.

Label / Distribution : Oléo Films

Depuis plusieurs années, les réalisateurs et cadreurs de Jazz Live parcourent les festivals de France pour filmer « la planète jazz ». Liée à la société de production Oléo Films, spécialisée dans les documentaire sur le spectacle vivant, la structure Jazz Live réalise des captations et des films diffusées sur Arte Live Web ou différentes chaînes de télévision, mais surtout sur son site, où figurent en plus quelques exclusivités. Aujourd’hui, Jazz Live publie un panorama de ses activités et du jazz en France en 10 films sur 5 dvd.

Cet élégant coffret est une compilation de films tournés pendant deux ans (2010-2011) dans des festivals aussi divers que Banlieues Bleues, Europa Jazz au Mans, Uzeste ou Jazz à la Villette, par un collectif de réalisateurs. Le premier et le dernier, réalisés par Frank Cassenti et Samuel Thiebaut, qui sont à l’origine de l’aventure, portent respectivement sur le festival Jazz à Porquerolles dans son ensemble, connu pour accueillir tous les ans Archie Shepp, et sur l’opéra de Melvin Van Peebles créé à Sons d’Hiver en 2010 : Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, d’après le film culte éponyme qui a lancé la Blaxploitation en 1971. Ce dernier documentaire se démarque nettement : il a bénéficié d’un temps de travail plus long, et échappe en cela au côté « direct » revendiqué par les autres, pour construire l’histoire visuelle de la création de l’opéra. Celui-ci reprend le synopsis du premier film américain dont le héros soit noir et, qui plus est, ne meure pas à la fin. L’entrelacement de la musique et du théâtre (avec notamment des musiciens de M’Base sur scène, ou le grand « conducteur » [1] Butch Morris) vient se mêler aux enjeux raciaux, les fantômes du passé comme les réalités bien présentes.

Pas de frontière de nationalité chez les réalisateurs de ce collectif, qui s’intéressent aussi bien à l’Américain David Krakauer (Abraham Inc de David Unger) qu’au Français Bernard Lubat (Libérez les artistes d’Audrey Lasbleiz) ou à l’Italien Francesco Bearzatti (Suite pour Tina de Giuseppe de Vecchi). Témoignages en prise avec le réel de la création improvisée en France, mais pas nécessairement française, les documentaires visitent des contrées artistiques extrêmement diverses, dans le souci d’ouvrir au maximum leur panel jazzistique : ici est abordée la question des femmes (Les Elles du jazz de Mélanie Golin et Frank Cassenti, avec Airelle Besson, Sophia Domancich ou Sophie Bernado), là de la lecture musicale - par les pianistes Stephan Oliva et François Raulin - de la célèbre bande dessinée surréaliste Slumberland dans Sounds of Slumberland de Josselin Carré, ou encore du chœur quasi contemporain dirigé par Steve Coleman à Sons d’Hiver en 2011 dans Steve Coleman & Five Elements - Lingua Franca de Jacques Goldstein. Enfin, Jazz Live ne pose pas ses caméras que dans des festivals connus et reconnus, puisque Jeremiah est parti dans les Alpes filmer le High Heigts Jazz du Cosmo Jazz Festival, tandis que Frank Cassenti (seul à être l’auteur de trois films dans cette sélection) est allé capter sur place les sons du Martinique Jazz Festival dans Mizik Antilles.

Compilation de captations de concerts et d’entretiens, ces films, qui durent environ une heure, offrent un panorama non exhaustif du jazz contemporain — c’est impossible ! — mais curieux et ouvert. Par-dessus tout, pour des auditeurs-spectateurs désireux de partir à la rencontre des musiques improvisées et d’en obtenir quelques clefs grâce à la parole des artistes et de ceux qui les entourent sur leur propre musique, les documentaires de Jazz Live sont une excellente introduction.

par Raphaëlle Tchamitchian // Publié le 7 janvier 2013

[1La conduction est un langage de direction d’orchestre inventé par Butch Morris.