Scènes

Jazz à Vienne 2001 (suite)

Citizen Jazz est à Vienne pour le festival et vous dit tout.


Les concerts des 30juin, 1er et 2 juillet 2001 vus par Anne Legrand et JimBoom.

Les soirées à thème du théâtre antique se succèdent…

Le 30 juin faisait honneur au flamenco avec l’ensemble du guitariste Manolo Sanlùcar puis celui de Paco de Lucia.

Manolo Sanlùcar nous a présenté un poème de Frederico Garcia Lorca, « Locura de brisa y trino » dont il a composé la musique et dont il reprend le titre pour son dernier disque. La voix poignante et déchirante de Carmen Linares illustre chaque vers du poème. Avec ses vocalises, elle redonne à chaque mot de son intensité expressive. De tendres mélodies encadrent celle plus lumineuse et gaie de la lettre d’un poète, porteuse d’espoir, répondant à son amour, « El poeta pide a su amor que le escriba ».

La sérénité du spectacle est toujours présente dans celui de Paco de Lucia captivant davantage l’attention de l’auditeur par une importante mise en scène. Le guitariste débute le concert seul, puis il est accompagné par le percussionniste Rubem Dantas et les claquements de mains et de pieds du chanteur Rafael de Utrera comme ceux du danseur Joaquin Grilo. Pour le troisième morceau, le bassiste Carles Benavent et le guitariste Jose Banderas s’ajoutent au groupe, claquant des mains avant de prendre leurs instruments. Au quatrième morceau, le septette est au complet. Les thèmes de Paco de Lucia servent de base aux différentes improvisations. Celle du flûtiste Jorge Pardo, fortement applaudie par le public, détourne la mélodie jusqu’aux méandres du « Boléro de Ravel » durant l’introduction de « Zyryab ». Enfin, sous le regard fasciné de Paco de Lucia, le danseur Joaquin Grilo dont la grâce, la vibration et la tension physique s’expriment jusqu’au bout des doigts, sublime la musique allant jusqu’à casser le talon de sa chaussure. Le septette de Paco de Lucia se reproduit avec Chick Corea au festival de Vitoria en Espagne le 21 juillet.

Pour la soirée de musique cubaine, le festival a invité la nouvelle formation du pianiste résidant à Paris, Alfredo Rodriguez, et l’orchestre d’Alfredo de la Fé recevant Celia Cruz, la reine de la salsa. Alfredo Rodriguez s’inspire de la musique traditionnelle de Cuba qu’il a quitté dans les années 60. Il regrette le marketing de supermarché qui s’est développé autour de cette musique et en revendique les racines afro-cubaines. Il rappelle qu’aujourd’hui, des musiciens de jazz comme Herbie Hancock, Wynton Marsalis, George Benson ou encore Max Roach, viennent jouer au festival de Cuba et s’intéressent à la « problématique rythmique de la musique cubaine ». Alfredo Rodriguez s’entoure donc pour son nouveau groupe de deux piliers du rythme en la présence de Tata Güines et J. Luis « Changuito » Quintano. Ils interprètent les compositions du pianiste, « Opening » ou « Maleta Ynylon » ainsi que « Pa Cozar » de Tata Güines. Notons la présence au saxophone ténor, du frère de notre ancienne collaboratrice à « Le Jazz », Marc Agoudetsé et retrouvez les tous mardi 10 juillet au restaurant parisien, La Coupole.

L’orchestre d’Alfredo de la Fé et Celia Cruz, au timbre et au phrasé reconnaissable entre tous, installent en deuxième partie une chaude ambiance de carnaval. Les tubes de Salsa s’enchaînent les uns derrière les autres, « Toromata », « Oye Como va », « Quimbara », « Guantanamera », « Carnaval », saluant la collaboration de la reine de la salsa avec le maître des percussions, Tito Puente.

Retour au jazz le 2 juillet avec la « soirée des musiciens » parrainée par la Spedidam, organisme s’occupant de la rétribution des droits de l’interprète.

La formation des frères Moutin, « Moutin réunion » et le trio de Jean-Michel Pilc prouvent que des musiciens français peuvent aussi bien occuper un plateau d’un grand festival européen que des musiciens américains. François (cb) et Louis Moutin (batterie) nous offrent une version originale de « La vie en rose ». En terminant leur concert avec la chanson de Georges Brassens, « Les copains d’abord », les frères Moutin dévoilent leur bonheur de partager cette merveilleuse aventure du quartette avec leurs amis : le saxophoniste Sylvain Beuf et le pianiste Baptiste Trotignon.

On retrouve François Moutin avec le percussif trio de Jean-Michel Pilc complété par le batteur Ari Hoenig. Ce dernier fascine par sa rigidité corporelle et la précision sonore obtenue à chaque frappe. Il exalte la verve musicale des ses deux confrères. La ballade de Jean-Michel Pilc, « Golden Key », tempère le rythme effréné des exécutions de « Mister P. C. », d’ « Isotope », blues de Joe Henderson en hommage au récent décès du saxophoniste ainsi qu’ « All Blues ».

Il est difficile d’apprécier pleinement le concert d’Eddy Louiss et Richard Galliano après une telle frénésie. Mais les deux artistes installent un climat calme et détendu où le velouté de l’orgue Hammond d’Eddy Louis se mêle délicatement aux sonorités de l’accordéon. Ils viennent de donner ce soir leur troisième concert ensemble et prévoient d’enregistrer pour le label Dreyfus un disque devant paraître au mois de novembre. Le répertoire varie des standards de jazz, « I remember Clifford », aux compositions des deux musiciens, « Sang mêlé » d’Eddy Louiss ou « Azul Tango » de Richard Galliano, de la chanson française, « Avec le temps », « Sous le ciel de Paris », à la musique brésilienne, « Berimbau Sermon » de Baden Powell, rappelant la collaboration d’Eddy Louiss avec Claude Nougaro.

Une quatrième partie dédiée au violoniste Stéphane Grappelli complète cette soirée avec le trio de Didier Lockwood. Entouré du guitariste Romane et du contrebassiste Marc-Michel Le Bevillon, Lockwood dresse un portrait de Stéphane Grappelli en choisissant des morceaux qui le caractérisent et retracent son parcours musical : « Les valseuses » de Stéphane Grappelli pour son humour et sa joie de vivre ; « Tea for two », « I got rhythm » et « Nuages » pour sa collaboration au sein du Quintette du Hot Club de France avec Django Reinhardt. Heureux de transmettre sa passion du violon jazz au sein de son école, Didier Lockwood aimerait jouer avec Jean-Luc Ponty, autre violoniste français réalisant une carrière internationale. Avis aux programmateurs de festivals !