Scènes

Jazz à Vienne 2007 : Avant-propos

Historique approximatif, programmation « En veux-tu en voix-là », quelques incontournables, un big band inattendu et l’élection par le Rezzo de la meilleur formation de l’année...


JAZZ A VIENNE : Histoire approximative

L’histoire de Jazz à Vienne est connue : au tournant du millénaire, le préfet des Gaules Gillespus fit construire à flanc de colline un superbe théâtre à ciel ouvert dominant le Rhône. Dix mille places tout de même. L’homme mit au point un drôle d’instrument de musique, inconnu des Romains jusque là, lui trouva un joli son et se mit à en jouer un peu en désordre.

Autre façon de raconter l’histoire. Jean-Paul Boutellier, un professionnel de l’industrie pharmaceutique très présente à Lyon et qui avait organisé dès ses vingt ans des concerts de jazz dans cette ville eut l’idée de monter un festival de jazz annuel dans le parc de la Tête d’Or, un jardin superbe à mi-chemin du Luxembourg et du Bois de Boulogne.

Las, l’initiative ne plut pas à Raymond Barre, alors député, ou encore premier ministre, qui craignit que le parc ne ressorte très abîmé de l’aventure. Qu’à cela ne tienne : Jean-Paul Boutellier déménagea son projet à Vienne à 30 kilomètres au sud, jolie cité où, un peu comme à Rome, la ville actuelle est construite sur un monceau de ruines romaines. Là, il trouva deux compères qui l’aidèrent à concrétiser la chose. J’ai nommé Pierre Domeyne et Jean Gueffier.

Ambiance © P. Audoux/Vues sur Scènes

1980 : la première édition aurait pu tourner au fiasco. Il s’agissait en fait d’une Nuit du Blues qui se déroula sous chapiteau, lequel faillit être emporté par la bourrasque. Mais les organisateurs amateurs avaient pu vérifier que leur projet tenait la route.

Dès l’année suivante, le festival de jazz proprement dit naissait. Trois ou quatre soirées. Puis très vite, et en l’espace de quatre éditions, il atteignait la taille qu’il a aujourd’hui. S’il loupa de peu Bill Evans (décédé en 79 ou 80), en revanche il accueillit la grande Ella et, of course, toutes les plus belles pointures au cours de ses 26 éditions. Quelques concerts demeurent plus particulièrement à l’esprit. Dont le fameux, ultime, de Miles, un habitué de la scène viennoise.

D’où l’importance de ce festival qui, à la différence de son alter ego Marciac, rassemble un public composé d’abord d’amateurs venus des quatre coins de la région et non pas de vacanciers de passage. Né de la passion de quelques-uns pour le Jazz, le festival de Vienne, comme d’autres, est resté à peu près fidèle à son esprit d’origine. Peu de permanents, une armée de bénévoles qui se retrouvent d’année en année en se passant le témoin. D’où l’ambiance particulière de cet événement dont il reste, à défaut de disques, heureusement des paquets d’image.

New Spirit © P. Audoux/Vues sur Scènes
New Spirit

28 juin - 13 juillet : 27è ÉDITION DE JAZZ À VIENNE
JAZZ À VIENNE « EN VEUX-TU EN VOIX-LÀ »
OU, JAZZ À VIENNE TOUTES VOIX DEHORS

Le festival fait cette année la part belle aux voix, à toutes les voix. Kurt Elling suit de près Al Jarreau et George Benson, Al Green, Craig Adams voire Manu Dibango. Cassandra Wilson quant à elle suit de près Robin McKelle, Sarah Lazarus, Liz McComb, et Dee Dee Bridgewater.

Dans les moments de bonheur plus spécifique attendus au Théâtre antique, Clark Terry, Archie Shepp, Joe Lovano, Pat Metheny et Brad Mehldau, Joshua Redman et Didier Lockwood.

Côté big bands, le Paris Jazz Big Band lancera les festivités, mais outre celui qui escorte Robin McKelle, Vienne attend l’arrivée de Charles Tolliver.

On y est. Pour la 27è année consécutive, Jazz à Vienne inaugure la semaine prochaine les grands festivals de jazz de l’été. Dix-huit jours de musique quasi non stop, démarrant l’après –midi, finissant au petit matin. Des concerts jusqu’à plus soif, la plupart gratuits, sauf ceux donnés au Théâtre Antique.

Ne cherchez pas à rejoindre le tout premier concert. La veille du début du festival (le 28 cette année), les 8 000 places des gradins ne s’ouvrent qu’aux enfants des écoles des alentours qui viennent ici prendre une leçon de jazz historico-musicale. Cette année, c’est le Paris Jazz Big Band qui s’y colle et qui réalisera en direct un voyage dans les Etats-Unis des années 20. La formation emmenée par Nicolas Folmer et et Pierre Bertrand sera sur scène deux jours après pour un tout autre concert dont on attend beaucoup. Parce que les big bands se font rares, parce que le Paris Jazz compte les plus belles pointures de certains instruments. Parce qu’un big band à Vienne sur fond de coucher de soleil a une saveur inimitable.

McCoy Tyner / Brussels Jazz Orchestra © P. Audoux/Vues sur Scènes

Pourtant, même si on attend avec impatience deux autres grands ensembles, le premier avec Robin McKelle, le second avec un Charles Tolliver enfin là, la 27è édition de Jazz à Vienne est d’abord placée sous la bannière du chant, de la voix, de toutes ses voix et de ses formes vocales qui n’ont cessé de structurer le jazz depuis « la nuit des temps ».

La palette sera riche, démarrant en fanfare avec un Al Jarreau d’autant plus attendu que l’escorte George Benson, autre expert des vocalises dont le scat dupliqué avec dextérité sur sa guitare suscite toujours le même intérêt.

RENDEZ-VOUS AVEC CES GRANDES ET PETITES DAMES DU JAZZ

Mais, ne s’arrêtant pas à cette affiche tonitruante, Jazz à Vienne a cette fois la bonne idée de rassembler sous son toit à la fois de grandes et petites dames du jazz mais aussi ces fiers mâles crooners qui dans la foulée d’un Tony Bennett ou de Sinatra, parviennent à captiver mieux personne un théâtre antique à la nuit tombée.

Premier du genre, mais dans le désordre Kurt Elling, qui sait s’approprier les instruments, les restituer à sa façon avec une désarmante fraîcheur, bien soutenu par son pianiste/arrangeur complice, Laurence Hobgood.
Dans un tout autre genre, et déjà venu à Lyon cette saison, Dee Dee Bridgewater est à nouveau à Vienne. Le Voyage Malien qu’elle présente se veut à la fois un retour à ses sources, un choc musical personnel et une rencontre-synthèse entre jazz et musique malienne. Pour ces raisons, on sera attentif à tous ceux qui entoureront ce soir-là la chanteuse, et notamment celui qui inaugure la soirée et qu’on reverra sans doute ailleurs dans Vienne durant le festival : Cheick Tidiane Seck, homme synthèse du jazz et de la musique malienne.

Outre ces trois affiches, Jazz à Vienne accueillera aussi d’autres talents vocaux qui seront autant de bonnes surprises. Certes on espère que Liz McComb fera un petit tour à la Cathédrale de Vienne pour la traditionnelle messe gospel du dimanche matin. Elle sera quoi qu’il en soit le même jour au théâtre antique et l’on pourra à nouveau savourer les nuances de cette voix puissante et enjôleuse.

© P. Audoux/Vues sur Scènes

Moins connue, Robin McKelle et son big band a la lourde charge d’ouvrir le bal (vendredi 29). On attend beaucoup de cette première soirée, de cette jeune chanteuse, de sa façon de reprendre les standards, bref de donner le « la » de cette 27è édition.

Suivront bien d’autres talents : Buika, Cassandra Wilson associée ici à David Murray (rare), Sara Lazarus mais aussi en plus blusy, Al Green et l’énergique Craig Adams. De plus avec Spirit of New Orleans et Mitch Wood, Car, le New Orleans pointera son nez à Jazz à Vienne. Comme le souligne Jean-Paul Boutellier, il s’est passé quelque chose de gravissime à La Nouvelle-Orléans, berceau du jazz dévasté, éventré et jamais reconstruit. Pourtant plus que jamais, cette ville veut vivre, et ici, le chant n’est jamais loin.

ETONNANT CHARLES TOLLIVER EN BIG BAND

Jazz à Vienne déclinera pour le reste tout le reste de la palette signée une fois encore Jean-Paul Boutellier et Jean-Pierre Vignola. Pat Metheny est de retour, tout comme Archie Shepp, Joe Lovano et Joshua Redman. Plus inattendu Charles Tolliver, le sax préféré de Gillespie - c’est dire- qui nous arrive avec un grand orchestre de vieux de la vieille qui ont l’habitude de mener ensemble des sessions d’enfer. Enfin, retenons Manu Dibango, une soirée flamenco, une autre manouche avec le Trio Rosenberg, Bernard Berkhout et Didier Lockwood d’un côté et les enfants de Django et bien sûr la dernière nuit, qui verra débarquer Clark Terry, pas encore icône mais surtout pas n’importe qui. Confidence pour confidence, l’illustre trompettiste, ex d’Ellington, qui faisait déjà les belles soirées de la Mutualité il y des décennies porte beau ses 87 ans et profite de son passage le 13 juillet pour s’installer à Vienne quelques jours. Avec lui, George Robert (sax), Santi Debriano (cb) et Sangoma Everett (dr), un point c’est tout. Autant dire que l’illustre trompettiste ne sera pas là pour faire de la figuration

LE REZZO : Pour élire « la » formation de l’année

Le principe du Rezzo est simple. Son application beaucoup moins. Chacune des régions de l’Hexagone (on en compte 22) sélectionne une formation de jazz qui vient défendre ses chances à Vienne le temps d’un concert d’une heure. Un jury, choisi à cet effet, a la charge de sélectionner le lauréat. Celui-ci bénéficie de diverses aides pour enregistrer un album à 1 000 exemplaires, pour se produire sur diverses scènes (A Vaulx Jazz, Jazz Club Lionel Hampton) et obtient de démarrer la soirée du 13 juillet de l’édition suivante de Jazz à Vienne. Ainsi cette année Jérémie Ternoy Trio, lauréat 2006, démarrera la « all night jazz » du 13 juillet.

Le Rezzo a quelque peu évolué depuis sa première édition : alors qu’à l’origine, le public pouvait écouter à heure fixe chaque jour un orchestre différent, les 12 formations sont désormais concentrées sur les deux week-end du festival (du vendredi au dimanche : 17 et 19 h les vendredi et samedi, 16 et 18 h le dimanche). Par ailleurs, le jury se compose désormais de programmateurs de salles ou de festivals de la région et d’un directeur de société d’enceintes acoustiques.