Scènes

Jazz au Collège à Lyon-Croix-Rousse

L’atmosphère sereine que dégagent Michel Bénita, Fred Roudet et Bruno Tocanne séduit un public inédit mais déjà expérimenté...


L’affaire n’est pas tellement que trois musiciens parmi les plus aboutis de notre catalogue hexagonal décident de convoler à Lyon, une fin de novembre, le temps d’un joli set serein et profond aux grâces multiples. Ici, le paradoxe tient d’abord au public (des classes de collégiens), au lieu (le collège J.-B. de La Salle, à la Croix-Rousse), à l’horaire (un vendredi soir d’humeur et de météo maussades) et à l’atmosphère (de quasi-clandestinité) qui entoure et nappe ce concert.

Sur un répertoire fait de compositions perso (à retrouver sur les albums de Michel Benita et Manu Codjia), de traditionnels écossais et de quelques points fixes élaborés par Miles Davis, Duke Ellington ou Bill Evans, le trio peaufine inlassablement son osmose pour un concert quasi acoustique, et tout à fait réussi. On est conquis par la qualité des sons, des silences, des attentes, des pas de deux, des rêveries solitaires. Profondeur de la contrebasse, éclats de Fred Roudet soutenus, freinés ou emballés par la batterie chatoyante de Bruno Tocanne... Mais on est surtout frappé par la qualité de l’écoute qui s’installe parmi cette classe attentive, voire fascinée. La palme revient à un très jeune spectateur qui, mâchonnant sa sucette au premier rang, maintiendra jusqu’au rappel son attention sur le trio qui le surplombe. Cela vaut aussi pour les autres élèves qui ont pris place dans cette salle de cours réaménagée en auditorium, et avant tout pour la classe de 4e (15 élèves) qui organise et prend en charge de bout en bout la soirée et ses invités : musiciens, collégiens, parents, profs et autres personnes conviées ou intéressées.

L’initiative n’est pas nouvelle mais ne perd rien de son intérêt au fil des ans. Voilà en effet cinq saisons que, emmené par Yves Dorison, ce collège mène à bien un Projet Artistique et Culturel (PAC) Jazz qui inclut notamment, la programmation de jazzmen de renom sous la férule de Bruno Tocanne, artiste résident. A ses côtés, Fred Roudet et Michel Bénita font plus que se prêter au jeu : passées les premières secondes, leur musique, retenue, acoustique en diable, transfigure le lieu dans un quasi recueillement. Pas besoin de forcer le trait pour faire remonter les mille saveurs de ce trio inédit et pourtant si proche qui respire la sérénité.

par Jean-Claude Pennec // Publié le 23 décembre 2013
P.-S. :

Michel Benita, contrebasse. Fred Roudet, bugle, trompette, cor, Bruno Tocanne drums.