Scènes

Jazz sur son 31, de « Pado » à Pardo

Le 15 octobre 2010 à Toulouse, « Jazz sur son 31 » proposait une affiche résolument méditerranéenne. Jean-Marc Padovani pour le dernier d’un cycle de quatre concerts en forme de carte blanche, et Jorge Pardo qui, depuis bientôt trente ans, souffle un vent flamenco sur le jazz-fusion.


Soirée résolument méditerranéenne, ce 15 octobre 2010 à Jazz sur son 31. Jean-Marc Padovani bouclait un cycle de quatre concerts bigarrés, et Jorge Pardo soufflait sur scène un vent mêlé de flamenco, de jazz et de penchants faunesques.

La 24e édition de « Jazz sur son 31 » essaimait, comme à son habitude, à travers toute la Haute-Garonne, mais nous nous sommes concentrés sur l’Automne Club, chapiteau dressé dans la cour même du Conseil Général, à trois pas du centre de Toulouse.

Le festival donnait cette année carte blanche à Jean-Marc Padovani en lui confiant ses quatre « Une heure avec... » de 18h30. Résultat bigarré s’il en fut, à l’image d’un saxophoniste éclectique. Après « Old and New Friends » - réunion, comme son nom l’indique, de vieux compagnons de rêves (Claude Barthélémy, Didier Malherbe, Claude Tchamitchian et Ramon Lopez), Padovani donnait le lendemain « Sketches » [1] puis, jeudi, « Liqaa », dans une formation quelque peu différente de l’originale : le guembri de Majid Bekkas remplacé par... une vielle à roue : celle de Gilles Chabenat.
Ce vendredi enfin, Padovani rendait hommage à Eric Dolphy, probablement son principal maître à jouer. « Out » - c’est le titre, allusif en diable [2], de ce spectacle créé en 2003 avec un septet, et présenté ici en quintet.

J.M. Padovani © Michel Laborde/Objectif Jazz

Rendre hommage n’est pas démarquer ; Jean-Marc Padovani ne cherche pas à faire « vintage », ni à entrer dans la peau de Dolphy. Ce qu’il nous joue là, c’est Dolphy, oui, mais métabolisé par Padovani. Donc nécessairement rond jusque dans les angles vifs ; goûteux et capiteux. Au vibraphone, Franck Tortillier déroule un tapis mouvant ; il prend un magnifique chorus sur une pédale de basse dans « Mandrake », calme une tempête de contrebasse (Olivier Sens, au beau son mat), fait naître des vagues en introduction à « Feather ». Une batterie roborative menée par Jacques Mahieux propulse les solos des deux saxophones (Padovani et Sébastien Texier) qui atteignent un sommet de dolphysme sur « Serene » : deux conversations entremêlées, qui s’écoutent, ne s’entendent plus, se retrouvent, divergent à nouveau. Le final de « Miss Ann », acrobatique, met en scène un joyeux match batterie-contrebasse truffé de contrepieds, de balles liftées, lobées, smashées. Trop court rappel (était-ce « Les » ?) et puis s’en vont. Une heure, tout rond.

Deuxième concert à l’Automne Club, 22 h 30. Jorge Pardo est surtout connu chez nous pour avoir accompagné Chick Corea ces dernières années le long de ses routes espagnoles. Saxophoniste et flûtiste, il a joué aussi et surtout avec Paco de Lucía, Chano Domínguez, et au sein d’un splendide trio avec Carles Benavent et Tino di Geraldo - on garde un souvenir ému du concert de Séville, enregistré en décembre 1999 et publié par le label Nuevos Medios.

Jorge Pardo © Michel Laborde/Objectif Jazz

Son spectacle « Vientos Flamencos » nous laisse une impression plus contrastée. De très beaux moments où la flûte joue seule ou à découvert avec la grâce sauvage d’un faune, ses chorus qui modulent sans cesse de façon rien moins que traditionnelle, ou le jeu de guitare précis, nerveux de Juan Diego de Jerez, alternent avec des idées moins abouties comme cette reprise du Boléro de Ravel ou les interventions de la bailaora Rocío Molina qui accaparent l’attention du spectateur - mais font aussi oublier un tempo un peu plan-plan sur le rappel. Pour autant, le public toulousain ravi - et manifestement très hispanophile - en a redemandé, joignant ses palmas à celles des artistes. Jazz et flamenco se marient bien et font d’assez jolis enfants, finalement.

par Diane Gastellu // Publié le 3 janvier 2011

[1Que nous avions vu lors de sa création au Studio de l’Ermitage.

[2Eric Dolphy utilisait abondamment ce mot dans ses propres titres : « Out To Lunch », « Out There », « Outward-bound »... et fut l’un des plus grands « ouvreurs de portes » de l’histoire du jazz.