Scènes

Liqaa - Le sirocco souffle sur Colomiers

Colomiers, 10 janvier 2009, auditorium Jean-Cayrou : dehors, le froid et la glace. Dedans, le vent du désert. Liqaa fait fondre la neige !


Colomiers, 10 janvier 2009, auditorium Jean-Cayrou : dehors, le froid et la glace. Dedans, le vent du désert. Liqaa fait fondre la neige !

Liqaa signifie « rencontre ». Celle de quatre musiciens, deux Marocains, l’un de Fès, l’autre de Salé, deux Français d’Avignon et Toulouse. Point commun : le goût de l’aventure et de l’éclectisme. Philippe Léogé promène son piano du jazz à la grande variété en musardant par le classique. Ali Alaoui jongle entre batterie, congas et derbouka. Jean-Marc Padovani explore depuis vingt ans les connexions entre jazz et Méditerranée, et Majid Bekkas passe sa vie à construire des ponts entre musiques du Maghreb et jazz contemporain. La collision de ces quatre personnalités ne pouvait que produire de l’énergie… et de la chaleur.

De la chaleur, il y en avait sous toutes ses formes sur la scène et, du coup, dans la salle. A commencer par la chaleur humaine. Les échanges entre musiciens sont détendus, les anecdotes et les plaisanteries en témoignent, mais surtout la qualité de l’interplay que les quatre musiciens nous donnent à entendre et à voir.

Liqaa © M. Laborde 2009

Liqaa vient de se créer, mais sonne déjà comme un groupe constitué. Le répertoire est bariolé : traditionnels du Maghreb, compositions des uns et des autres ou collectives. « La truite est encore dans la rivière », et le sax soprano de « Pado » nage entre deux eaux. Majid dédie une composition à sa fille : « Asma ». Suit un « Air afghan » sur quatorze temps qui sonne par moments très andalou, puis une autre création : les rythmiques arabes ou gnaoui se mâtinent de sons cubains sous les doigts de Philippe Léogé. On s’attend à voir rougir l’alto, pas de honte, non : au contraire, de plaisir, d’incandescence. Le titre du morceau signifie, nous dit-on : « Mon cœur et ma poitrine ». En effet… Vient enfin le « tube » de Majid Bekkas, celui que vous retrouverez à chacun de ses concerts : « Hamdouchi », ses mesures à dix temps et le cou du chameau - le guembri [1] - qui double le chant. Philippe Léogé devient lyrique, le soprano invente les sons d’une zurna turque dont jouerait Ornette Coleman ! Pour finir, un « Foulani » festif où derbouka et guembri s’emballent ; piano et saxophone en crescendo jouent un motif unique et simplissime, le public adhère… le sirocco souffle dans la plaine toulousaine.

Majid Bekkas © M. Laborde 2009

Fini ? Non ! La résidence de Jean-Marc Padovani à Colomiers inclut un travail avec le Pôle Municipal des Pratiques Artistiques. Une bonne quinzaine de jeunes instrumentistes, certains débutants, d’autres plus chevronnés, ont joué et improvisé sur deux morceaux du maître préparés avec lui dans le cadre d’ateliers. Intimidant pour eux, mais l’occasion était belle de découvrir ce qu’est la scène. Au passage, une partie du public venue pour entendre les enfants, les sœurs ou les frères, les copains, a découvert que le jazz, c’était aussi ça : une musique qui parle toutes les langues, plus familière qu’on le croit, et si chaleureuse qu’on en oublie l’hiver.

J-M. Padovani © M. Laborde 2009

par Diane Gastellu // Publié le 9 février 2009

[1Traditionnellement fait en acajou et tendu d’une peau de cou de chameau.