Scènes

Jazzycolors 2010 : Bojan Z

Le Festival Jazzycolors permet d’écouter des artistes peu connus en France et de découvrir des Centres culturels étrangers proposant tout au long de l’année animations et programmes liés aux activités des pays concernés.


Jazzycolors est l’occasion d’écouter des artistes jazz peu connus en France et de découvrir des centres culturels étrangers qui, situés au cœur de la capitale, proposent tout au long de l’année animations et programmes liés aux activités des pays concernés (spectacles, expositions…).

Concert Bojan Z & Nenad Gajin en duo
Jeudi 11 novembre 2010 à 20h00
Bojan Z / Piano
Nenad Gajin / Guitare électrique

Bojan Z © Emmanuelle Vial

Ce 11 novembre à l’Institut Hongrois de Paris, Bojan Z, parrain du festival, déclarait ouvert le 8ème Jazzycolors, qui se poursuivra dans les quinze jours à venir par dix-sept concerts dans sept lieux différents et à l’initiative de seize centres culturels. A la suite de ce bref discours on ne peut plus officiel, c’est avec un grand sourire qu’il présente Nenad Gajin, jeune guitariste - également serbe - avec qui il entame dans la foulée un set unique, vif et coloré. La salle s’avère adaptée aux formations « de chambre » : parquets, cloisons, lambris créent une ambiance intime sans le côté feutré et fermé des clubs de jazz. Tant pour les musiciens que pour les spectateurs, c’est une expérience un peu différente ; quant au son, il change aussi des caves habituelles ou des salles spécialisées.

Le duo piano / guitare reste finalement assez rare en jazz ; or, sans section rythmique, il faut occuper le terrain du rythme et des fréquences. Nenad Gajin, n’est pas un inconnu. On l’a déjà vu dans « Les Expatriotes » que Bojan Z nous avait présentés au Paris Jazz festival 2009 mais aussi au côté de Frank Woeste (claviers) dans la formation d’Ibrahim Maalouf, qui tourne beaucoup depuis plus d’un an. C’est un guitariste singulier qui passe allègrement du be bop classique au jazz-rock acéré et alterne dans l’instant, au fil de son propos, modes blues et balkaniques. Pour mémoire, il a passé plusieurs années comme lead guitar au sein de l’orchestre d’Emir Kusturica. Le duo propose une musique tout en couleur et en fureur s’il en est. Gajin mélange ainsi lignes mélodiques et cultures traditionnelles d’Europe centrale avec des sonorités plus jazz rock et des tonalités blues acquises en Europe et aux Etats-Unis. Pendant toute la première partie du set, il joue sans aucun effet : ici, pas de pédale chorus, ni de réverbe, par exemple, qui ont parfois vocation à masquer des lacunes côté style ou toucher. On reconnaît donc là l’instrumentiste qui ne se fondent que sur le talent et le métier.

Nenad Gajin © Emmanuelle Vial

Pourtant, jouer avec un Bojan Z aussi à l’aise dans l’improvisation que dans la composition, ce n’est pas donné à tout le monde. Le pianiste évolue en effet dans des grilles harmoniques subtiles, des rythmes complexes, de longues lignes mélodiques tout en finesse ; s’adapter à son inspiration au sein d’un duo n’est sans doute pas chose aisée. Pourtant, très à l’écoute, Gajin complète parfaitement le propos de Bojan Z. Le fait est d’autant plus remarquable que, si les deux musiciens se connaissent de longue date, ils ont peu joué ensemble. En somme, un nouveau duo naissait sous nos yeux avec un plaisir de jouer évident. Se sont ainsi succédé six morceaux et un rappel : « The Greek’ (Clare Fisher), »TNT« (Bojan Z) »Zeven« (titre tiré de l’album Xenophonia et dont le titre signifie « sept » en néerlandais), »Think Thrice« (solo de Bojan), »Onzer« (Gajin) »Full Half Moon (Bojan Z) avec un jeu tout en tapping de part et d’autre, puis, sous les applaudissements, un rappel improvisé de haute volée.

Aujourd’hui la maturité de Bojan Z - dont ne se lasse pas de suivre l’évolution - saute aux oreilles. Leader qui multiplie aussi les expériences, collaborations et coproductions (Michel Portal), il démontre un univers qui est devenu très riche et son approche « tous horizons » lui confère une puissante singularité dans le monde du jazz actuel.

Un concert d’inauguration en forme de réussite totale qui incite fortement à assister aux autres concerts de ce festival qui promet abondance de découvertes.