Scènes

Jazzycolors 2010 : Benzine & Soo Bin Park


Ce 22 novembre 2010 avait lieu dans le cadre du festival Jazzycolors un concert placé sous le patronage du Centre culturel coréen mais sis au Centre culturel de Serbie. Une nouvelle fois l’occasion de découvrir une association singulière de musiciens aussi éclectiques qu’étonnants…

Photo © Emmanuelle Vial

La salle d’exposition du Centre serbe donne sur le parvis de Beaubourg - pas l’idéal pour la musique car c’est avant tout un lieu dédié aux expositions de peinture ou de photos… Reste que le quartier regorge d’ondes créatives de tous ordres.

Benzine est un groupe de jazz rock façon progressif et énergique qui, à la base, n’a pas grand-chose à voir avec l’Extrême-Orient (voir ses disques originaux et créatifs, Spirea et Benzine). Mais cette fois Benzine s’est acoquiné avec Soo Bin Park, jeune chanteuse et percussionniste coréenne à la forte personnalité qui le propulse vers des horizons fusionnels inattendus. Soo Bin, qui pratique une forme de psalmodie entre chant et déclamation, propose une approche jusqu’au-boutiste dérivant vers une sorte de rap coréo-déjanté et mêle une expression et une technique vocales héritées de la tradition à un goût manifeste pour l’improvisation et à l’envie de se frotter à l’univers jazz-rock européen. Le chant pansori, art de la déclamation de récits accompagnés au tambour à base de rythmes samul nori peut être violent, furieux et, par certains aspects, évoquer la musique du Nô japonais (raccourci certes un peu européen !). Cette chanteuse malicieuse ravit par la vivacité et la grande liberté de son propos musical. Mais c’est également une percussionniste de haut niveau, jouant avec énergie et dextérité du changgo (tambour biface), frappant avec exubérance le kwaenggwari (petit gong qui, comme son nom l’indique, fait « kkwaeng-kkwaeng »), et soufflant sans retenue dans le taepyeongso (instrument à anche double très puissant qui renvoie sans mal la vuvuzela au rayon des flûtes à bec !). Positionnée au centre du groupe entre deux gongs chinois, elle n’a aucune difficulté à « occuper » la scène et l’espace musical. Cette rencontre est-ouest confère une coloration puissante à la musique en tirant un tradition vocale déjà extrême vers une sorte de slam coréen avec pour support un jazz-rock binaire et percutant. On le devine, cette démarche multi-culturelle, multi-colore et polyrythmique est jubilatoire… à l’image du concept Jazzycolors.

Photo © Emmanuelle Vial

Au sein de Benzine, Franck Vaillant, batteur-leader reconnu et aussi bien porteur de projets personnels que sideman de nombreux musiciens et chanteurs. Jean-Luc Lehr, solide bassiste à 6 cordes, joue façon Gong grande époque ; Jozef Dumoulin, qui s’exprime au piano et au Rhodes bidouillé et « détuné » avec des pédales d’effets de guitariste (Line6, kaossPad et Boss Detuner), n’hésite pas à recourir à l’occasion aux accords latinos. Quant au saxophoniste Stéphane Payen, il va même jusqu’à effleurer des rythmiques à la James Brown, mais via des modulations plus orientales que d’habitude…

Jazz-rock, « pansori-rap »… un cocktail d’énergie et de créativité décoiffant et déjanté. A voir en live absolument.