Chronique

Jonathan Orland

Homes

Jonathan Orland (s), George Garzone (s), Jun Young Song (perc), Greg Duncan (g), Lim Yang (b), Sharik Hasan (p)

Label / Distribution : Bee Jazz

Homes : récit d’une expérience, celle de Boston et du Berklee College, témoignage d’un musicien, Jonathan Orland, de son travail et de ses rencontres, dont celle du jazz canadien. Moment privilégié de ce saxophoniste qui, ayant peut-être épuisé les charmes de la digne école, est allé se frotter à la scène montréalaise avant de revenir en France. Résultat, ce Homes (il insiste sur le « s ») dense et élaboré qui s’ordonne à la fois autour de compositions (signées pour l’essentiel par lui-même) et de ce quintet abouti, collectif et étonnamment équilibré.

L’idée, le ton sont d’ailleurs donnés d’emblée avec « Kalinga », jeu de réparties à deux saxophones avec George Garzone. Orland, ex-élève du conservatoire du IXe arrondissement de Paris, puis du CNSM, se plaît d’abord à visiter un be bop épanoui ou un cool guilleret, façon funambule savourant chaque instant de son « entre ciel et terre ». D’où une limpidité de jeu, de mise en commun, où chacun devient tour à tour le premier de cordée au gré de complicités qui nous échappent.

Alternant morceaux soutenus et ballades, le quintet joue de sa taille et de ses emballements au gré d’une huitaine de morceaux contrastés où son homogénéité éclate, sans nostalgie ni redites marquées. On retiendra les petits trios inspirés de « Zai Gezunt » ou « Chassidot », qui n’hésitent pas à mettre en avant percussions, contrebasse et guitare, ou « Yoni’s Lament » qui, outre le jeu de mot, dévoile une autre facette du groupe dans son art collectif et met en valeur Lim Yang (basse-contrebasse) via un solo tout en finesse. De bout en bout Jonathan Orland trouve en effet près de lui des complices qui confèrent à Homes sa palette animée : Greg Duncan, à la guitare fluide et solide, Sharik Hasan au piano mélodique et précis, Lim Yang à la basse, donc, et le très présent Jun Young Song à la batterie.

Tout de même, manière de reconnaître les siens, Orland emprunte à ses aînés deux thèmes, et non des moindres, servis par lui-même et par Garzone, taquineur de free : « In Your Own Sweet Way », de Dave Brubeck, façon de mettre ses pas dans ceux, si intimistes, du célèbre quartet, et de retrouver les échappées veloutées d’un Desmond éclatant. Sauf que le thème est, là encore, totalement revisité par Greg Duncan, aérien, sur un tempo endiablé. Et pour conclure, « The Touch of Your Lips, » un thème de Ray Noble souvent repris - un air plus que traditionnel, propice à mettre en évidence la fusion qui anime ce quintet de bout en bout.