Chronique

Tam de Villiers

Motion Unfolding

Label / Distribution : Double Moon

Dernier disque en date du guitariste Tam de Villiers, qui en signe toutes les compositions, escorté ici de David Prez au sax ténor, Bruno Schorp à la contrebasse et Karl Jannuska aux drums.
Mais encore ?
Un album de plus en plus étonnant à mesure qu’on écoute le travail de ces quatre compères et demi - entendez par là qu’au quartet de base, Tam de Villers a eu l’idée de faire une petite place à David Linx, incontournable mais en toute discrétion, à qui revient la charge d’ouvrir l’album. Comme il sera d’ailleurs appelé, une heure plus tard, à refermer ce Motion Unfolding fait pour durer.

Mais ne brûlons pas les étapes : « Archon », le thème de départ, plus séduisant avec Linx que dans sa version instrumentale, revêt des accents inattendus ; la partition aux allures de cantique s’oriente peu à peu, avec malice, vers la comédie musicale. Tout l’album baigne d’ailleurs dans une atmosphère un peu surannée où l’on ne s’interdit rien, dans une recherche sans complexes d’harmonies inédites, en se donnant le temps d’aller au bout du propos et de partir aussitôt dans une autre direction, aussi riche qu’imprévue. On est assez vite convaincu, d’ailleurs, par la rigueur harmonique qui sous-tend l’album.

De bout en bout, Motion Unfolding, cette « progression saisie dans son développement », frappe par une originalité qui ne se laisse guère cerner, et encore moins résumer, par sa façon de naviguer entre les siècles et les genres, ou par le dialogue constant et savant entre guitariste et saxophoniste. Prez et de Villiers vont et viennent, ensemble ou séparément, s’échangent les phases d’ascension, de renouveau, d’apaisement, mais aussi s’entrelacent, réfléchissent et murmurent de concert sur fond d’aimable ballade (qui, pourtant, s’aventure sur de nouveaux chemins, au risque de se perdre).

De fait, au premier abord l’album est un peu incongru. Dans « Duplex », par exemple - un thème un peu vieillot énoncé patiemment par la guitare et un saxophone aux accents de flûte -, de Villiers n’hésite pas à asséner des riffs-enclumes évoquant un son d’une autre époque. King Crimson ou Black Sabbath, pour ne citer qu’eux, ne sont sans doute pour ce jeune musicien qu’une respectable musique d’archives. Pourtant, tel est bien le point de départ de sa quête musicale subtile, et de ce jeu de groupe soudé, fusionnel, où les effets de chacun n’ont de valeur que s’ils entrent en résonance immédiate avec ceux des autres. J’en veux pour preuve le dialogue - encore - entre Prez et de Villiers sur « I Got an Idea », un morceau en deux parties qui n’a l’air de rien mais respire la fraîcheur et la sérénité. Et bien sûr, on peut compter sur Jannuska, batteur attentif et constant, pour semer la zizanie ou sceller les retrouvailles. Sur « Vivije », composition représentative de l’album, David Linx, lui, s’embarque dans un scat surprenant, délibérément placé sur un registre de haute-contre, après quoi la tension retombe une fois de plus. Et sur d’ultimes mesures chuchotées, ce bel album se retire sur la pointe des pieds.