Oddrun Lilja Jonsdottir est une compositrice, guitariste et chanteuse d’Oslo qui collabore avec des musicien·ne·s d’Éthiopie, de Tanzanie, d’Inde, du Liban, d’Islande et des États-Unis. Son premier album Marble, sorti en 2020, où se diffusent des effluves de jazz avec la saxophoniste Marthe Lea et le vibraphone de Steinar Mossige, a recueilli de nombreuses critiques élogieuses. Plus enclin à l’intimisme, Vor Suplicas la voit s’investir en trio avec Mari Midtli et Vegar Vårdal. Ses projets musicaux ne peuvent exister qu’avec la pluralité et la diversité artistique, à l’exemple de son intégration réussie dans le New Conception of Jazz de Bugge Wesseltoft.
La formation régulière de Lilja se compose d’Oddrun Lilja Jonsdottir à la guitare et au chant, de Sanne Rambags au chant principal, de Bafana Nhlapo aux percussions et au chant, de Jo Skaansar à la basse et d’Erik Nylander à la batterie. D’autres artistes invités tels que Beady Belle et Bugge Wesseltoft apparaissent sporadiquement.
Sur cet album, Mirage, Oddrun Lilja Jonsdottir collabore avec quatre artistes dont les origines géographiques et les styles qui en découlent diffèrent. Sara Marielle Gaup fait honneur au joik, le chant traditionnel sami, qui est plutôt une manière de capter un objet ou un sujet dans son entièreté. Le joik possède des particularités vocales et est dédié à une personne, un animal ou un lieu, et laisse libre cours aux improvisations de la joikeuse. Célio de Carvalho est spécialisé dans la musique brésilienne et les rythmes umbanda où les tambours sont accompagnés de chants dans un véritable déferlement sonore. Le Marocain Zakaria Houaoura est expert de la musique gnawa qui à l’origine provenait des anciens esclaves noirs d’Afrique subsaharienne et dont l’instrument principal est le luth-tambour à trois cordes, le guembri. Ustad Ashraf Sharif Khan, fils du célèbre maître de sitar pakistanais Ustad Muhammad Sharif Khan Poonchwaley, s’est spécialisé dans la musique classique de l’Asie du Sud. Ce particularisme apporte une sorte de vision singulière du monde, un mirage, comme le sous-entend Oddrun Lilja Jonsdottir.
« On Your Shoulders » affirme d’emblée une réussite orchestrale. L’originalité de la musique d’Oddrun Lilja Jonsdottir jette un pont entre le nord et le sud, sans fêlures orchestrales. « Nor River Nor Lake » apporte un nouvel éclairage musical, la guitare et le chant mélodieux se veulent attendrissants, tout comme la complainte étonnante qui enrichit « Deatnu 2021 ». « Lila », « Bafana » et « Brighter Days » débordent d’onctuosité, les timbres insolites des chants s’insèrent habilement dans le tissu instrumental. La découverte et l’imbrication de formes musicales authentiques permet ce métissage qui aboutit à une parfaite réussite artistique.
L’énergie communicative qui traverse « Khan », magnifié par le développement rythmique d’Ustad Ashraf Sharif Khan, outrepasse les frontières géographiques et musicales et sublime Mirage, album qui se veut intemporel.