Scènes

La marmite infernale « Cent ans ça s’entend »

Big band de l’Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire (ARFI). Fête de l’Humanité, 11 Septembre 2004.


1- Cueillir dix-neuf musiciens de l’ARFI et les porter à ébullition dans le parc de la Courneuve.

2- Ajouter une pincée de commémoration, un zeste de subversion et quelques quintaux de folie.

3- Laisser cuire trois bonnes heures à feu vif avec du rouge…

La liberté ne semble plus faire peur aux communistes. Du moins était-ce le cas, lors de la performance de la Marmite infernale de l’ARFI (L’Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire), samedi soir sur la scène « Jazz’Hum’Ah’ », à la Fête de l’Humanité. L’ARFI est un collectif non parisien (c’est-à-dire lyonnais), né en 1977 autour d’un projet de relecture de la musique européenne, par le biais de l’improvisation et du mélange des genres (jazz, fanfare, musique de films…). Signalons que de grands noms du jazz français sont passés par l’ARFI comme Louis Sclavis ou Yves Robert.

La Marmite infernale rassemble habituellement une douzaine de musiciens, mais le big band était ce soir quasiment représentatif de l’ensemble du collectif. Il s’agissait d’un spectacle créé spécialement pour les cent ans du journal l’Humanité et reprenant des morceaux de précédents disques (« Au charbon ! »), en y ajoutant des créations (« Sing for Freedom » avec une chorale sud-africaine). Les textes du comédien, artiste Jean-Yves Picq et sa ferveur engagée accompagnaient cette aventure musicale en trois actes ; on avait par moment l’impression d’assister à la rencontre impossible de Léo Ferré et de l’Art Ensemble Of Chicago.
On notera aussi la reprise de quelques discours d’Ernest-Antoine Sellière, passés à la moulinette du sampler de Xavier Garcia : réquisitoire de circonstance, exercice de style et d’acteur, et surtout expérimentation pertinente et vibrante.

Chaque partie comportait une reprise de chansons révolutionnaires, « Le chant des partisans », « l’Internationale » et « la Marseillaise. » Contrairement à Giovanni Mirabassi dans « Avanti ! », le parti pris était essentiellement festif et débridé. L’hymne communiste retrouvait peut-être là sa légèreté originelle, voire une part de dérision très inhabituelle. Les compositions originales suivent une veine assez identique, mais en autorisant des géométries variables au sein de l’orchestre. Les quelques configurations réduites (un remarquable morceau à deux trombones et tuba par exemple) permettent d’apprécier la grande qualité musicale des différents interprètes. Malgré la sono assez épouvantable, aux dires de l’ingénieur du son, il était parfaitement possible d’isoler les contributions individuelles au sein d’une unité souvent complexe, mais n’évoluant jamais dans un chaos total. Ainsi, dans « Accélère », un thème se superpose à lui-même avec des tempi et des rythmiques différentes, et on distingue parfaitement, à tout instant, les deux parties de la dualité, comme chez Stravinski ou Prokofiev. Les trois derniers morceaux du spectacle (« Accélère », « Lama Say Yes » (sic), et « Hymne aux Hommes ») constituent un véritable bouquet final, déchaînement des dix-neuf artificiers avant ce magnifique hymne, au thème universel. L’assemblée conquise avait manifestement la chair de poule.

Ce concert pose encore le problème fondamental du caractère éphémère, unique, non reproductible de la musique vivante. Aucun disque n’étant prévu, il ne reste plus qu’à entretenir aussi longtemps que possible le souvenir de cette représentation, qui ne sera peut-être jamais rééditée.

par Julien Lefèvre // Publié le 27 septembre 2004
P.-S. :

Tournée « Song for Freedom » :
En novembre en France

Infos plus précises :
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