Xavier Garcia & Guillaume Grenard

Ce qui est bien avec la musique, c’est que ça peut éviter des longues années de catéchisme. Ou l’inverse, dira sans doute un séminariste chevronné à l’écoute de Quidquid latet apparebit premier album du duo constitué Guillaume Grenard et Xavier Garcia. La locution latine, même de cuisine, signifie « tout ce qui est caché sera connu », phrase célèbre du Dies Irae et de nombreux requiem, poème liturgique qui évoque le retour du Christ « au son étonnant de la trompette » ; une facette méconnue du travail de Guillaume Grenard. Voici pour l’aspect cultuel, vous pouvez sortir en rang et dans la joie. Pour le reste, le travail de Grenard et Garcia s’éloignent des chemins de croix. Bien qu’inspiré par les gravures bibliques de Gustave Doré, la musique des deux arfiens ne cherchent la transcendance que dans l’improvisation, à l’instar de « Vision des quatre chariots », où la trompette de Grenard se retrouve découpée en petites séquences travaillées en direct par l’électronique de Garcia, comme filtrée par le surnaturel.
 
Entre courts morceaux qui installent un jeu sonore, tel « Deuxième vision du prophète Daniel » tout en slaps et en échos, et travail sur des temps plus longs où l’inventivité et la complicité sont de mise comme sur « Gédéon attaque les Médianites » où la trompette se retrouve multipliée face à elle-même, quittant l’abstraction pour prendre des atours plus composés, et plus solennels, le travail de Garcia et Grenard ne prend pas les gravures à la légère, ce n’est pas qu’un prétexte. Xavier Garcia transforme littéralement le son de la trompette, lui trouve de la profondeur, la fait bifurquer dans l’instant comme divers phénomènes inexpliqués. Avec « Seconde vision de la vallée des os secs », au centre de l’album, c’est même un tout autre spectre qui se dresse, dans un son réduit à une rythmique et à des attaques qui se répètent comme autant de boucles infinies.
 
Complices de longue date, de Ring à la Marmite Infernale en passant par Dark Poe, Xavier Garcia et Guillaume Grenard offrent avec Quidquit latet apparebit une œuvre qui leur ressemble énormément, entre musique sérieuse et exigeante et détachement goguenard. Destinée à la collection Circuit court de l’Arfi, qui permet toutes les expérimentations, cette musique est un champ de réflexion ouvert qui nourrira à coup sûr l’univers des deux improvisateurs, dont le seul culte avoué est celui de la liberté.