Chronique

Marc Johnson

Overpass

Marc Johnson (b)

Label / Distribution : ECM

Il forgé son son et sa maturité auprès des plus grands (il fut la basse du Bill Evans Trio les deux dernières années, avant de rejoindre Stan Getz, puis de publier chez ECM à partir de 1986 aux côtés de John Abercrombie et Bill Frisell) mais le contrebassiste américain, aujourd’hui âgé de 69 ans, a plutôt brillé par sa mise en retrait. Il sort enfin du bois avec Overpass, son premier album solo. Comme le montre la très belle peinture ornant la pochette du disque, la mise à nu, enregistrée au Brésil, pays de son épouse, et bien que sincère, est plus crépusculaire que bariolée. Elle n’en demeure pas moins personnelle et truffée de clins d’œil à son propre parcours.

Après avoir joué aux côtés des meilleurs - et peut-être subi leur « ombre », quoiqu’il s’en défende - le silence et l’espace semblent être devenus ses meilleurs alliés et confidents. Ils offrent au bassiste l’occasion de s’épancher, usant même d’une franche mélancolie dans sa très belle reprise du « Love Theme From Spartacus » de Bill Evans. Légitime.

Il y a dans cet album quelque chose qui tient de la grande pudeur, de la sagesse. Marc Johnson emprunte discrètement à des traditions et voies parallèles, surprenantes. Orientales quand le jeu est d’une infinie douceur. Africaines aussi, pour l’aridité et la répétition qui amène la transe sur « Freedom Jazz Dance » (classique et titre adoré déjà repris par Miles) et « And Strike Each Tuneful String ». La technicité, tout au long du disque, est bien présente mais loin d’être écrasante. C’est à la fois son plus bel atout et sa limite, son Yin & Yang, comme l’illustre parfaitement le titre du même nom.

« Whorled Whirled world » clôt l’album et soudain réveille, là où la lassitude commençait à poindre. Avec son thème minimal et dense, répétitif et tonique, Johnson produit enfin, sur la longueur, ce frisson attendu. Sans doute une des vertus de la timidité. Savoir doser est parfois bien plus agréable que savoir oser.

par Anne Yven // Publié le 6 février 2022
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