Chronique

Martial Solal

My One And Only Love – European Jazz legend vol 15

Martial Solal, piano solo

Label / Distribution : Intuition

Cet enregistrement en concert du pianiste Martial Solal clôt la série des 15 disques Live at Theater Gütersloh produit par la ville de Gütersloh, la WDR3, le magazine allemand JAZZthing et le label Intuition.

Cinq concerts de grands musiciens européens (oui, car aucune femme ne figure au palmarès, encore une fois) ont ainsi été enregistrés et proposés au public chaque année entre 2015 et 2017.
Il serait mesquin de dire que la série se termine en beauté, par égard pour les précédents enregistrements, mais enfin, il est difficile de cacher le plaisir et l’étonnement admiratif que procure ce concert de Martial Solal.

Le chemin est long de Chatou à Gütersloh, charmante bourgade de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et le pianiste de 90 ans avait toutes les raisons de ressentir un peu de fatigue. Pourtant, il livre là un éblouissant concert, pétillant, facétieux et d’une musicalité totale. Sous ses doigts agiles, il enchaîne les standards pourtant maintes fois rabâchés et les ressort comme par magie, brillants, comme neufs.
« Body and Soul » ? « Tea for Two » ? « Night and Day » ? Des nouveautés, aux harmonisations surprenantes, pleines de chausse-trappes. Du travail de prestidigitateur.

L’état d’esprit dans lequel Marial Solal aborde la musique, après tant d’années à la jouer est une constante remise en question, une surprise, un saut dans l’inconnu. Comme rien n’est figé par avance, rien ne prend d’âge. C’est le secret de l’éternelle jeunesse et il le connaît. Il y a des enfants dans la salle, il joue « Frère Jacques » (« Sir Jack »). Deux fois. Et la rengaine la plus éculée devient le brouet dans lequel fusionnent cinquante années de créativité. Il parle au public, avec un accent anglais délectable. Comme tous les disques de la série, on le retrouve en interview en fin d’album et il revient avec humour sur son parcours.

Avec la « Marche Turque » (Mozart mâtiné de Chopin quand même…), c’est Charlie Chaplin qui dirige un orchestre symphonique, rien de moins. « Night in Tunisia » est déstructurée comme un plat de cuisine moléculaire et le medley ellingtonien est une pièce de théâtre dramatique dans laquelle les standards sont subtilisés un par un.
Un forfait signé Solal.