Michael Felberbaum
Les archives de So What et Le Jazz enfin en ligne.
Guitariste, compositeur, Michael Felberbaum est partagé entre plusieurs projets, et non des moindres. Avec un jeu de guitare économe et éloquent, il donne la réplique à des musiciens de divers horizons. De Steve Potts à François Théberge, il est surtout apprécié pour ses compositions. Sa dernière invention : un trio de violoncelles, guitare et batterie ! Il raconte ici ses années de formation, ses projets et sa musique.
- ROME ET BOSTON
Je suis né à Rome, de parents new-yorkais. J’y ai appris la musique, car j’y ai vécu jusqu’à dix-huit ans. J’ai toujours voulu être musicien. J’ai commencé par la guitare, d’abord seul, à l’oreille. Mon père écoutait du jazz, mais j’ai surtout écouté James Brown, les Beatles, Led Zeppelin. Le jazz de mon père ne me plaisait pas. C’était trop classique pour moi, à l’époque. Je voulais jouer fort, avec de la distorsion. Je voulais être rocker ! Par contre j’écoutais déjà du blues. Je ne connaissais pas la théorie.
Alors, je suis allé aux U.S.A., à Berklee et je l’ai étudiée. Cela n’a pas été sans mal ! De plus, l’enseignement de la guitare ne me convenait pas. Le professeur était un « fonctionnaire » de la musique ! Par contre, j’ai appris la composition, l’arrangement. J’y suis resté quatre ans. J’ai découvert vraiment le jazz là-bas : Coltrane, Miles. Puis, je suis allé à Boston. J’ai commencé à jouer en club, en remplacement, au Wally’s. C’est vraiment là que j’ai fait mes classes. Sur le tas, pendant trois ans, toutes les semaines. Comme le piano était cassé, il n’y avait que des guitares ! Voilà ma vraie formation de guitariste : les standards, les jams, les gigs.
J’ai commencé à composer à cette époque. La tradition était le be-bop, avec quelque incursion dans le free. J’ai monté un groupe avec lequel on a bien tourné. On pouvait jouer avec des musiciens comme Roy Hargrove, Antonio Hart, Delfayo Marsalis, les jeunes de l’époque !
- PARIS
Mais je voulais changer, quitter Boston et retourner en Europe. Je me sentais européen. Un jour, un ami bassiste, Stéphane Furic, m’a parlé de Paris, des conditions de travail. Et je suis parti, en 1990.
Paris est vraiment la ville la plus intéressante pour le jazz en Europe. C’est un lieu de passage. A peine arrivé, j’ai rencontré des musiciens et j’ai rapidement pris mes marques. J’ai joué alors avec le saxophoniste Avram Fefer, un ami de Boston. Puis, pendant un certain temps, j’ai fait le sideman. Mes débuts parisiens consistaient surtout en cela, j’ai même arrêté la composition.
Ensuite, j’ai monté un groupe qui s’appelait Guitar Hell, avec Stéphane Fouchet à la batterie. Steve Potts est venu nous voir et m’a demandé de rejoindre son groupe.
- STEVE POTTS
Cette expérience est fantastique. Steve venait de prendre Stéphane Persiani comme bassiste, il voulait changer son quartet. Steve Potts est une personne qui donne un sens de la liberté, qui soutient, qui fait prendre des risques. Il m’a fait sortir des choses qui étaient enfouies en moi. Sa présence suffit presque à cela !
J’ai repris la composition avec ce groupe. Steve m’a laissé beaucoup de place pour. Ce groupe est comme un laboratoire. On travaille beaucoup, et d’ailleurs on doit bientôt enregistrer. Je me sens à l’aise. Je commence même à jouer de la guitare acoustique avec ce groupe. C’est vraiment très important pour moi.
- BAD ELEPHANT
C’est une idée des frères Moutin. François, qui en était le bassiste avant son départ à New York, a été remplacé par Linley Marthe. Daniel Casimir voulait aussi monter un projet rock, avec des influences diverses et une culture jazz. Tout cela s’est combiné avec Louis Moutin. Là, on joue avec humour. On ne se prend pas au sérieux. Pour moi, c’est une façon de revenir à mes racines rock. Et Meta, le chanteur, ne vient pas du jazz. Finalement, on joue plus dans les salles dites rock que les clubs de jazz. Même si les racines culturelles des musiciens du groupe sont plutôtjazz.
- LEADER
Je veux monter des groupes en coopérative, sans leader. Et aussi un groupe à mon nom. Les deux m’intéressent. En ce moment, je joue avec un trio. J’ai monté ce projet avec le violoncelliste Dimos Goudaroulis. Je l’ai rencontré avec la chanteuse Morena Fattorini au Sunset. Il est parti au Brésil, mais depuis là-bas, et avec John Betsch à la batterie, on tourne finalement plus que s’il habitait ici ! C’est un groupe auquel je tiens.
J’ai connu John dans le quartet de Steve Potts. J’aime beaucoup ce qu’il fait avec Steve Lacy. Notre musique, en trio, est très aérée. John ne fait pas le batteur traditionnel, il crée un univers. C’est le lien nécessaire, le troisième élément. Comme il n’y a pas de basse, on se partage la fonction harmonique, à tour de rôle. L’équilibre est précaire, mais John a un son parfait pour la formule. Nous jouons beaucoup avec l’espace, le silence. Ce sont mes compositions et celles de Dimos. Lui compose beaucoup avec des rythmiques grecques, à 11 temps, des structures orientales. C’est un grand musicien qui joue aussi de la musique classique, surtout baroque. Il a un trio avec clavecin ! Il joue aussi du jazz et de la musique orientale. Dans le baroque, l’improvisation avait aussi une place très importante. Ces trois traditions se retrouvent dans ses compositions. Notre musique est basée sur les interactions. Une musique de chambre improvisée… D’ailleurs, j’en profite pour annoncer que nous recherchons un tourneur et un label pour faire un
disque. Nous sommes prêts, et je voudrais capturer la musique maintenant.
- PROJETS
Je joue aussi dans l’Orchestre de la Lune. Un big band, sans basse avec un tuba, dirigé par John Haendelsman. Je joue également avec François Theberge, en quartet, de temps en temps. On joue certaines de mes compositions. J’ai un projet, le Michael Felberbaum Group, qui est en
formation dans ma tête, pour l’instant ! Je suis aussi avec le percussionniste sénégalais Pap Dieye en duo. Nous travaillons sur un répertoire très africain. Paris se paye le luxe d’être à la fois la ville du jazz, mais aussi des musiques africaines, arabes, etc. ! Et puis, je joue dans le groupe de Stéphane Persiani (b) : Complexion, avec Jean-Michel Couchet (sax), Ronny Paterson (p) et
Stéphane Fouchet (d).
- DISCOGRAPHIE
- Igal Foni : For Elevators ? Jazziz, 1995
- Chris Cody : Coalition. Quoi de neuf Docteur, 1996
- Morena Fattorini : Prima dell’alba. Clair de lune, 1997
- Henry Soul : Art Imitates Life. 1996
- Bad elephant : Oxud funk. Emaki, 1997
- Stéphane Persiani quintet : Complexion . Naïve, 2001
- Steve Potts : Wet spot. www.stevepotts.net, 2001