Chronique

Michael Janisch

Paradigm Shift

Michael Janisch (b, elec, fx, perc), Paul Booth (ts, fl, bcl, fx, perc), Leonardo Genovese (cla), Alex Boney (elec, fx), Jason Palmer (tp), Colin Stranahan (dms)

Label / Distribution : Whirlwind

Vu de ce côté-ci de la Manche, la jeune scène jazz britannique paraît assez peu vivace. Bien sûr, de temps à autre apparaissent des individualités comme Gwylim Simcock ou Matthew Bourne. Mais le paysage exhaustif nous est très flou. Parmi ceux-ci, Michael Janisch est l’un des plus actifs, par exemple avec son Cloudmakers Trio qui a récemment fait l’objet d’un album dématérialisé de l’AJMI. Il est aussi patron du label Whirlwind Records, à qui l’on doit le magnifique Spring Rain de Samuel Blaser. C’est là que le bassiste (qui est également un excellent contrebassiste) propose Paradigm Shift, double album témoin d’un concert entier en 2011 au Pizza Express Jazz Club de Londres à l’issue d’une tournée avec son puissant sextet.

Paradigm Shift a la forme d’un exutoire. Le contexte - un dernier concert à la maison après plusieurs semaines de bus - ne serait pas mentionné dans les notes de pochettes, on s’en douterait un peu. Entre les membres de l’orchestre, il y a une grande complicité, et une volonté affichée de mettre le feu au poudres. Le premier disque The Paradigm Shift Suite est une dynamique collective où tourne un thème très rock, que n’aurait pas renié Get The Blessing. C’est notamment au jeu agressif du multianchiste Paul Booth qu’on le doit (« Celestial Dictator ») ; l’Anglais, collaborateur régulier de la scène pop, est avec Janisch le dynamiteur de l’orchestre. La suite est cernée à la fois de l’électricité de Leonardo Genovese, sideman d’Esperanza Spalding et de l’électronique d’Alex Boney, dont les effets en live font songer par instant au Popping Bopping de Viktor Tóth.

L’euphorie palpable est une énergie qui explose dès que le groupe s’offre plus de libertés individuelles sur Mike’s Mosey, le second disque. D’ailleurs, « Be Free » clôture la Paradigm Shift Suite : un solo de basse qui sonne comme un mot d’ordre. C’est ce qui anime tant la trompettiste américain Jason Palmer, que Colin Stranahan. Le premier est remarquable de virtuosité sur un « Crash » rempli de références amusées. Quant au batteur, il s’offre quelques soli gourmands au milieu de toutes ces rythmiques inconstantes et demeure la plus belle surprise d’un album aux climats changeants et souvent inclassables, beau témoignage d’un sextet qui ne ménage aucun effort.