Chronique

Red Kite

Apophenian Bliss

Even Helte Hermansen (g), Bernt André Moen (p), Trond Frønes (b), Torstein Lofthus (dms),

Label / Distribution : RareNoise Records

Symbole de ce que la Scandinavie peut offrir en terme de puissance électrique, Red Kite est de ces groupes qui n’avancent pas masqués. Après un premier album paru en 2019, déjà chez Rare Noise Records, le quartet norvégien vous saute à la gorge avec « Astrology », où la batterie musculeuse de Torstein Lofthus cogne dru pour l’ouverture d’Apophenian Bliss, nouvelle parution tout aussi puissante. Les claviers de Bernt André Moen construisent des barrages que la guitare d’Even Helte Hermansen s’échine à ébrécher ; une bataille interne qui perdure dans « This Immortal Coil » qui rappelle à toutes fins utiles que l’esthétique du groupe est toute entière baignée dans un jazz-rock fait de métal.

Et comme pour tout métal, la présence d’aspérités n’est qu’un état transitoire. Dans ce même morceau, alors que la guitare s’émousse à force d’assauts, c’est le clavier qui reprend le dessus pour ajouter de la fièvre à une confrontation dont les règles sont sagement posées par la basse contondante de Trond Frønes. On ne peut pas dire que tout se calme, mais le quartet acquiert une certaine régularité, le chaos devient un dispositif de tension où l’électricité devient plus rauque et s’inscrit dans une certaine tradition d’un rock progressif de combat. On pense à la proximité avec d’autres groupes norvégiens, à commencer par Elephant9 qui partage avec Red Kite le même batteur. Même lorsque le ton s’assagit, sur le central « Apophenia », la batterie de Lofthus garde un rôle prédominant, un véritable régulateur de température.

L’accalmie reste de courte durée. « Morrasol », le morceau de bravoure de l’album, en est la plus franche illustration : le bras-le-corps qui agite Moen et Hermansen forme la colonne vertébrale d’un orchestre parfois un peu ivre de sa dureté. Avec « Red Kite Flight », les assauts reviennent encore plus forts, mais si la batterie est intenable, la guitare se fait plus mélodique, évoque même quelques relents de rock opera des années 70, non sans une certaine grandiloquence qui réjouira les amateurs d’œufs en neige, de ceux dont on fait les plus sucrées des omelettes norvégiennes.

par Franpi Barriaux // Publié le 6 février 2022
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