Chronique

Michel Petrucciani

Solo In Denmark

Michel Petrucciani (p)

Label / Distribution : Storyville

Voici le rayon de soleil porteur d’espoir qui, dans ce monde incertain, ouvre une nouvelle année. Ce concert posthume édité par Storyville, le plus vieux label indépendant européen, va combler les mélomanes car c’est bien ici une musique qui va au-delà des classifications, LA Musique dans toutes ses splendeurs.

Enregistré en l’église de Silkeborg au Danemark le 23 juin 1990, cet enregistrement bénéficie d’une excellente prise de son restituant parfaitement la maestria de Michel Petrucciani , trop tôt disparu.
C’est un festival de notes offertes, évidentes comme des étoiles filantes qui se succèdent afin de bien faire circuler l’histoire du jazz, avec ses racines teintées de ce blues qui ne peut que se partager avec un public chaleureux. Il faut avoir vu jouer Michel Petrucciani en solo pour se rendre compte de l’énergie qu’il déployait avec une inventivité sans cesse renouvelée. Météore reprenant les airs des figures tutélaires, Duke, Thelonious, pour mieux nous les réapprendre, renouvelant ce langage tant de fois entendu afin de surprendre encore. Que dire du jeu de sa main gauche, éblouissant et puissant, dévoilant une volonté exemplaire.
D’emblée nous sommes conquis par « P’tit Louis » qui ouvre l’album. La mélodie se renouvelle avec vigueur, comme pour ne pas nous abandonner trop tôt. Le coup de génie du pianiste est alors lancé sur orbite au service de la recherche et de la grâce. Maintes fois interprétée, la composition de Bruno Martino « Estate » se révèle dévoilée cette fois-ci en clair-obscur comme pour nous rappeler qu’une saison n’est jamais identique. Le chant est alors sublimation.

Michel Petrucciani est devenu un immense pianiste car il a répété inlassablement et surtout connu la manière décisive de s’approprier les standards. Il n’est que d’entendre sa façon d’interpréter « Cherokee » sur son premier album en trio chez Owl Records avec Aldo Romano et Jean-François Jenny-Clark, une révélation à l’époque. Le tour de force se perpétue ici à Silkeborg avec le « Medley » qui clôt l’album : tous les airs popularisés deviennent matière à explorer de nouveaux territoires, la créativité se projette sans cesse en avant.
Rares sont les musiciens qui ont pu développer leur propre langage avec une telle spontanéité. Michel Petrucciani se rappelle à nous avec son authenticité, celle qui fait de cet homme un guide lumineux, hier comme aujourd’hui.