Chronique

Myra Melford Be Bread

The Whole Tree Gone

Myra Melford (p), Cuong Vu (tp), Ben Goldberg (cl), Brandon Ross (g), Stomu Takeishi (b), Matt Wilson (dm)

Label / Distribution : Firehouse 12 / Orkhêstra

On avait découvert la pianiste Myra Melford à la fin des années 1980 en trio ou quintet, entourée de musiciens tels que Dave Douglas, Marty Ehrlich, Mark Dresser ou encore Chris Speed. Cette ancienne élève d’Henry Threadgill, Jaki Byard et Don Pullen - qui l’initièrent à l’improvisation et la composition après des études classiques - publie aujourd’hui The Whole Tree Gone, deuxième album de Be Bread. Cet ensemble, avec qui elle se produit régulièrement depuis quelques années, se présente ici en sextet, avec le guitariste Brandon Ross, le clarinettiste Ben Goldberg et trois compagnons de longue date : Matt Wilson, Cuong Vu et Stomu Takeishi.

La majorité des morceaux est issue d’une composition datant de l’automne 2004, The Whole Place Goes Up, née dans le cadre d’une bourse accordée par la Chamber Music America et on y sent donc une véritable cohérence, les pièces s’inscrivant dans une forme de continuité d’ambiances et d’inspirations. De ce travail sur les textures et les associations de timbres, servi par de grands instrumentistes naît un très beau son d’ensemble où chaque musicien apporte sa pierre à l’édifice, que ce soit au travers de solos ou lors des parties d’ensemble. On passe avec bonheur de parties orchestrales riches, très écrites, à des duos ou trios presque intimistes qui laissent une large place aux improvisateurs.

Une musique équilibrée, donc, même si on peut regretter sur la longueur un certain manque d’aspérités, de moments de folie, hormis sur « The Whole Place Goes Up », qui donne son titre à l’album - léger sentiment de monotonie également dû à un recours trop systématique aux crescendos. Reste que Myra Melford s’affirme ici comme une fine mélodiste (« Through The Space », « Moon Bird ») aux créations empreintes d’une certaine nostalgie, avec par instants des inspirations orientales ou folk. Mention spéciale à l’excellent Cuong Vu, qui n’a probablement jamais été aussi inspiré, notamment dans la construction des solos. L’apport de Ben Goldberg aux clarinettes est comme toujours remarquable (« The Whole Tree Gone »). Enfin, Melford elle-même offre ici un nouveau visage : elle qu’on avait entendue dans une veine proche d’un Andrew Hill fait montre ici d’un jeu plus léger, plus mélodique, qui colle parfaitement à l’atmosphère générale . Et comment ne pas être épaté par l’introduction de « Moon Bird » ? The Whole Tree Gone n’est peut être pas son meilleur album, mais permet de découvrir une nouvelle facette de cette passionnante musicienne. On aurait tort de s’en priver.