Bonne musique, bons vins et beaux lieux : NovaraJazz 🇮🇹
Novara est une belle ville historique, avec du bon vin et de la bonne nourriture, et un festival de jazz qui a surpris à bien des égards.
Grdina - Lillinger duo © Emanuele Meschini
Se promener dans l’ancienne Novara, la deuxième plus grande ville du Piémont, située à seulement 50 kilomètres à l’ouest de Milan, c’est comme déambuler dans l’histoire. Les Ligures ont fondé cette belle ville préromaine qui compte aujourd’hui plus de 100 000 habitants. Une grande partie de l’histoire de Novara est encore bien préservée. À cet égard, NovaraJazz est encore un festival très jeune, puisqu’il n’a que 21 ans. Mais il est tout aussi passionnant que la ville elle-même.
- Yazz Ahmed © Emanuele Meschini
Cela tient notamment au choix des lieux. Le lieu principal, le Broletto, situé au cœur de la vieille ville, est un complexe architectural médiéval composé de quatre bâtiments historiques avec une cour centrale. Il est idéal pour les concerts en plein air. On peut également se rendre à l’ancienne et jolie église de San Nazzarro Alla Costa, à quelques minutes de marche du centre-ville. C’est une très bonne idée de la part du festival que d’y programmer Yazz Ahmed, trompettiste et bugliste britannico-bahreïnienne, en duo avec Ralph Wyld, vibraphoniste et joueur de marimba britannique. Le public, assis dans l’église, a écouté les sonorités transparentes, chaudes et détendues du vibraphone et du marimba, sur lesquelles Yazz Ahmed a posé des lignes douces et flottantes. Des motifs répétitifs, des samples et une électronique subtile créent une atmosphère sonore qui captive l’auditeur, chaque instant un peu plus .
Deux heures auparavant, le duo composé du guitariste et joueur d’oud Gordon Grdina et du batteur Christian Lillinger s’était produit dans la ville. Quel contraste ! Le Canadien et l’Allemand font de la musique entre structure et spontanéité, avec pour contrepartie les aventures agiles et polyrythmiques du batteur et les idées sonores parfois bruyantes et rock du guitariste. Ce duo parle un langage musical complexe qui balaie les conventions avec énergie. Une véritable expérience en direct !
Le centre de création WeStart, basé à Novara, est étroitement lié à NovaraJazz. Il lance et/ou soutient des projets novateurs avec des musiciens de la scène italienne jazz et ses dérivés. C’est le cas du Dialect Quintet, dirigé par Alexander Hawkins, dont la première a eu lieu cette année lors du NovaraJazz. Le pianiste britannique rencontrait quatre jeunes musiciens italiens pour la première fois avec un programme passionnant mêlant musique improvisée et compositions. Cependant, en raison de problèmes techniques, tout ne s’est pas déroulé comme prévu sur scène. Après la représentation au festival, ils se sont rendus directement au studio de Turin pour enregistrer tous ensemble, avec l’espoir d’un résultat plus satisfaisant.
L’équipe de WeStart, rassemblée autour d’Enrico Bettinello, soutient aussi des projets tels que Um/Welt du bassiste Marco Centasso ou Invisible Partners de Ferdinando Romano, également bassiste, qui prouvent que le jazz italien contemporain a des musiciens et des artistes intéressants à offrir à Novara.
- Gabriele Mitelli © Edward Roncarolo
Les trois membres du trio The Elephant ont déjà une longueur d’avance. Gabriele Mitelli (trompette, voix et électronique), Pasquale Mirra (vibraphone, voix et électronique) et Cristiano Calcagnile (percussions et voix) livrent sur la grande scène du Broletto un concert d’une heure dense, captivant, multicouche, merveilleusement groovant et plein d’idées sonores imbriquées les unes aux autres. Les structures accrocheuses combinées à des expérimentations sonores donnent toujours une impression cohérente et convaincante.
Certains solos du festival ont été tout aussi passionnants. Dans la cour d’un vieux palais, la pianiste américaine Myra Melford a su allier puissance et fougue à une technique brillante, improvisation libre et belles lignes mélodiques.
- Rodrigo Amado © Edward Roncarolo
Dans la belle salle Arengo du Broletto, le Portugais Rodrigo Amado s’amuse en solo au saxophone ténor avec des thèmes classiques de maîtres du jazz tels que Sonny Rollins, qu’il décompose, déconstruit, dont il varie le tempo, l’intonation ou la dynamique et qu’il oppose à sa compréhension et à son ADN d’improvisateur de génie. Captivant, intense, magique.
On peut en dire autant de la performance de François Houle et de son projet inspiré par le livre de l’autrice britannique Kassia St. Clair, The Secret Lives of Colour sur l’histoire culturelle et sociale de la couleur. Le clarinettiste canadien et son fantastique quintette, composé des meilleurs improvisateurs internationaux : Myra Melford, Gordon Grdina, Joëlle Léandre et Gerry Hemingway, transforment le spectre des couleurs et leurs liens historiques avec la musique en images sonores abstraites dans un endroit encore plus beau, le jardin du presbytère de la cathédrale de la ville.
Un bouquet final exigeant, parfois entraînant, d’un festival agréable qui a fait aussi appel aux sens du public en proposant des dégustations de vins après certains concerts, accompagnées de savoureux risottos typiques de la région.