Chronique

Myra Melford’s Fire and Water Quintet

Hear the Light Singing

Myra Melford (p), Mary Halvorson (g), Ingrid Laubrock (ts, ss), Tomeka Reid (cello), Lesley Mok (dms).

Label / Distribution : Rogue Art

Ce quintet est incontestablement l’un des groupes les plus fabuleux de notre époque. Myra Melford a su s’entourer d’immenses musiciennes américaines afin de servir au mieux sa musique, incarnée par une suite en cinq parties. Hear the Light Singing évoque la lumière qui danse sur la Méditerranée ; cette substance avait inspiré le peintre Cy Twombly à Gaeta en Italie. Cet artiste majeur du XXème siècle inspire fortement Myra Melford ; il fut influencé par la psychanalyse ainsi que par la poésie et ouvert aux liens artistiques entre l’Europe et son pays d’origine, les États-Unis.

Cette formation composée de musiciennes en quête d’innovation ouvre de nouvelles perspectives et magnifie l’aisance avec laquelle des mélodies naissantes se fondent dans des improvisations. Les compositions permettent à Myra Melford d’entrer dans un naturalisme poétique proche de la materia prima de Cy Twombly. « Insertion One » initie le parcours musical avec un piano qui intègre des intervalles mélodiques ; Ingrid Laubrock, en digne héritière de Steve Lacy, chante, virevolte et échafaude un discours captivant. Après trois minutes, la paire rythmique composée de Tomeka Reid au violoncelle et Lesley Mok à la batterie enrichit la partition qui préfigure l’unité du quintet. La batterie solo accueille les stances de Mary Halvorson, dont la hardiesse embellit cette composition.

« Insertion Two » valorise le lyrisme de Tomeka Reid ; son violoncelle annonce des contrechants qui s’épanchent harmonieusement. Les abstractions sonores d’« Insertion Three A + B » font écho aux textures des toiles de Cy Twombly à travers la richesse du timbre du saxophone ténor. Ingrid Laubrock étoffe de manière saisissante les phrasés anguleux de la pianiste. La conception d’« Insertion Four » déploie une intensité virale qui permet à « Insertion Five » d’affirmer l’alliance du piano et du violoncelle. L’atmosphère sombre est bientôt déchirée par les interventions solistes, toutes intriguantes.
Ces musiciennes insufflent le meilleur d’elles-mêmes dans ces cinq pièces qui mettent en relief leurs fortes personnalités.

L’envoûtement que procure Hear the Light Singing préfigure le jazz de demain. Myra Melford apporte un renouvellement musical qui la conforte dans son rôle de figure de proue avant-gardiste.

par Mario Borroni // Publié le 18 février 2024
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