Scènes

Nicolas Folmer : l’art de bien s’entourer

Résidence du trompettiste Nicolas Folmer à l’Amphi Jazz de l’Opéra de Lyon, octobre 2013.


Ancien de l’Orchestre National de Jazz, étoile du jazz hexagonal, Nicolas Folmer était en résidence à Lyon. L’occasion, pour ce musicien très sollicité, de donner quatre concerts dans ce cadre façon cabaret jazz, en compagnie de son trio auquel se sont ponctuellement agrégés Michel Portal et Daniel Humair, puis Dave Liebman et à nouveau Daniel Humair (avec qui le trompettiste a d’ailleurs récemment enregistré).

Daniel Humair derrière, Emil Spanyi et Laurent Vernerey sur les côtés et, pour croiser le fer ou lancer l’assaut de conserve, alternativement Michel Portal et Dave Liebman. Inutile de préciser que ce fut donc une belle résidence qui, exceptionnellement étalée sur quatre soirées, commence avec Michel Portal.

Michel Portal en clarinette, en clarinette basse et saxophone soprano. C’est important dans la mesure où l’esprit de cette réunion repose pour l’essentiel sur l’échange perpétuel et immaculé auquel se livrent les deux instrumentistes sur deux courts sets. Folmer ? Il fait entendre une trompette limpide autant qu’espiègle et imaginative, âme de cette résidence mûrement préparée. Portal ? Ceux qui doutaient de sa capacité à toujours renouveler jeu, inspiration, plaisir de tenter ont été impressionnés. Quels que que soient les thèmes et tempos, il survole - que ce soit une ballade avec le piano serein d’Emil Spanyi ou le « schuss » voulu par Folmer qui démarre en trombe. A force d’exceller dans les musiques apaisées, il nous ferait oublier combien il fut un agitateur de free magistral et détonant. Ce soir, il livre notamment un solo de clarinette basse qui, pour plus d’un, repousse les limites de l’instrument.

N. Folmer/Daniel Humair © Chr. Charpenel

S’ajoute à tout cela le plaisir évident de chacun : Laurent Vernerey à la contrebasse, discret mais omniprésent, Daniel Humair, sonore, batailleur, mais caresseur de cymbales et, donc, Emil Spanyi, pianiste hongrois au jeu cristallin mais aussi compositeur et arrangeur qui, bardé de diplômes et de prix, frappe avec lyrisme et précision et marie l’étonnante vélocité de sa main droite à une main gauche particulièrement créative aux envols souvent enthousiasmants.

Ex-partenaire de Miles Davis, mais aussi de Wayne Shorter ou John Scofield, excusez du peu, et créateur du quartet Quest, le saxophoniste et flûtiste new-yorkais Dave Liebman a commencé par faire du piano à neuf ans avant de se tourner trois ans plus tard vers le saxophone ; c’est un des plus grands stylistes actuels du soprano. Ce thuriféraire de Coltrane - dont la découverte est à l’origine de sa carrière - aime s’abandonner aux surprises rythmiques, mêlant métriques complexes et silences rageurs. Il propose dans le cadre de cette résidence l’émotion d’un bouillonnement très dense, savamment maîtrisée [1].

par Dominique Largeron , Jean-Claude Pennec // Publié le 25 novembre 2013
P.-S. :

Les photoreportages sont ici

[1A noter que cette résidence de haute volée a été enregistrée et devrait donner lieu à un disque à sortir sur le label Cristal Records.