Scènes

Brad Mehldau - Jazz à Vienne 29/6/10

… ne brade pas son talent


Le pianiste américain offre ce soir un concert d’une radieuse intensité à cinq mille spectateurs, très réceptifs, subjugués par l’étonnante capacité créatrice d’un musicien qui, du chaos organisé, fait naître de belles émotions.

Le pianiste américain offre ce soir un concert d’une radieuse intensité à cinq mille spectateurs, très réceptifs, subjugués par l’étonnante capacité créatrice d’un musicien qui, du chaos organisé, fait naître de belles émotions.

Se produire seul au piano sur la scène du Théâtre antique face à tant de spectateurs n’est pas chose facile. On se souvient de la soirée-catastrophe au cours de laquelle Keith Jarret n’avait joué que pour les quelques centaines de spectateurs situés non loin de son piano tandis que des gradins s’élevait une bronca émanant de spectateurs déçus de ne rien ouïr ou presque des notes émises par le génie. (D’ailleurs, depuis Jarret boude Vienne et n’a d’yeux que pour le Festival de Fourvière, à Lyon, où il se produira une nouvelle fois cette année (23 juillet 2010).

A l’heure où Brad Mehldau s’installe devant le Steinway - et non l’habituel Bösendorfer du Festival, pour cause de contrat personnel - on craint pour la suite des opérations, d’autant qu’il fait encore jour et que la concentration de l’amateur, fût-il éclairé est, on le sait, plus difficile la scène n’étant pas encore isolée de la nuit par les projecteurs, qui focalisent le regard. Inquiétude vite levée : la musique suscite immédiatement une qualité d’écoute rare dans cette enceinte où règne - et c’est normal en plein air -, un bruit de fond constant… sauf ce soir. Un miracle. (Il est vrai que Brad Mehldau a poussé la précaution (ou la parano ?) jusqu’à interdire la présence de tout photographe pendant son spectacle.)

Les yeux clos, le pianiste américain, à la fois improvisateur et formaliste, adepte du chaos organisé, emmène le public dès les premières notes dans son univers pour le moins contrasté où l’on passe de collines verdoyantes à des pics vertigineux. Il a toujours aimé jouer avec les extrêmes, propices aux émotions musicales. Cet improvisateur-né déroule des idées spontanées qu’il suit et construit à partir de thèmes de Nirvana (« Smells like Team Spirit »), Massive Attack (« Teardrops ») ou Jeff Buckley (« Dream Brother »). Il clôt son concert avec une composition de toute beauté issue de My Favorite Things. Au cours de la soirée, il aura également interprété une composition au titre prémonitoire, : « Get Happy ». Mais on n’aura pas besoin de cette injonction… Le concert fut un moment de bonheur partagé, sanctionné par deux rappels en forme de standing ovation. Même les étoiles sont à l’unisson.